I.N.P.I.

 

(Institut National de la ... Pensée Inventive ?)

 

La France, en l'état de mise en exploitation de ses brevets d'invention, s'occupe surtout de la fusée Ariane conçue avec d'autres Européens et dont la base de lancement est située loin de son centre hexagonal. Peut-on s'enorgueillir d'une réussite assistée de la vitesse de rotation circumterrestre et du souffle des sarbacanes ? Sans parler de ce surgénérateur au plutonium...., qui nous coûte les yeux de la tête, et nous empêche donc de voir l'extraction qui s'opère !

Le véritable prestige ne se justifierait qu'avec la mise à feu d'innombrables brevets d'invention. Mais ces autres figurent sur du papier qui commence à jaunir, sur des micro-films que personne n'a envie de regarder avec des visionneuses dépassées... (Le privé étant déjà fourni en ordinateurs, mais point l 'Etat à cette date). Les différents lieux qui conservent précieusement ces documents de la pensée ne sont d'ailleurs pas connus du public, alors que leur entrée est gratuite; l'informatique du microprocesseur ignore donc l'existence de ces bâtiments qui recèlent pourtant tout le génie de la pensée humaine !

L'Institut National de la Propriété Industrielle (ou INPI) qui gère tout cela n'est pas même consulté par les industriels. En Suisse par exemple, le même sigle désigne....la Propriété Intellectuelle. Nommément du moins car le droit d'auteur qu'il est sensé garantir ne représente en réalité rien d'autre que la forme d'une oeuvre et non pas le fond. Les auteurs de là bas s'en désintéressent alors autant qu'ici les fabricants quant à la protection du fond. Alors partout, la "Pensée Inventive" s'endort profondément, quand la "Propriété Industrielle" usurpe ainsi depuis toujours le sigle. Et des millions de chômeurs ne savent pas que derrière ces murs existent des secrets qui pourraient leur dévoiler l'art de retrouver du travail, si....

Il y a, néanmoins, une chose de tout autre ordre à révéler sur l'INPI.

Le système de brevet privilégiant le premier déposant a - quoi qu'en disent les suivants - cependant la vertu d'authentifier la vraie valeur, la valeur non encore marchande. L'INPI est l'une des rares institutions au monde qui délivre un titre indépendamment de sa valeur marchande, obtenu par des critères qui tiennent compte de l'utilitaire économique, de l'esprit créatif, et de la nouveauté. Après, ce n'est plus son affaire, même si son but est au service des affaires. Il y a là tout un symbole : le pays de Descartes s'honorant masqué à l'arrière-plan et se vendant au capitalisme par devant. Seul ce qui est unique, "non manifestement évident", possède au fond une valeur vraie, en notre monde sensible, macroscopique. Il n'est malheureusement pas/plus du tout facile de se rendre compte combien les institutions marchandes et électorales, qui régissent l'économie, s'appuient implicitement sur le monde microscopique, sur la physique quantique de l'infini petit, croyant rehausser ainsi l'infini grand. En démocratie bourgeoise, la crédulité enfante la crédibilité. Sommes à l'ère de la division du Malin en d'innombrables petits malins. On a la grandeur du suffrage universel pour ne pas s'en apercevoir et la petitesse individuelle pour s'en satisfaire. Alors seul celui qui s'exclut du grand nombre peut en fait se prendre pour un homme et pas pour une particule quantique, pas pour quelque anonyme électeur-consommateur, pas pour une longueur d'onde diabolique.

Oui, au nom de quoi de concret, de matériel ou d'objectif, la nouveauté d'une idée, de sa mise en oeuvre, de sa valeur créative, doivent-elles ensuite - après le stade d'évaluation technique d'invention - se prévaloir d'un suffrage quantique ou du besoin d'un nombre ? Parce que seul l'état de l'offre et de la demande - que l'on prétend former de dites lois du marché - s'ouvre tel un parapluie au-dessus des consommateurs, les protège de la pluie autant que du soleil qu'annonce la météo démocratique. La liberté des sujets est donc soumise au marché des objets !

A partir de ce moment l'INPI officielle se rend complice d'un système économique irrationnel, se coupe de la rationalité technologique. La propriété industrielle s'approprie la fonction de penser, en sépare la logique, qu'elle réduit au pragmatisme, abandonne au marché de l'argent. L'INPI donc sera conduit un jour à devenir "l'Institut National de la Pensée Inventive", quand ces pensées se seront débarrassées de toute valeur marchande, lorsque les idées des hommes auront réussi à dépasser celle-là !

La plus noble fonction que l'on puisse vouer à une haute institution de ce type, ne serait-elle pas d'associer tous les auteurs à cette mission de mise en valeur concrète d'oeuvre de tout art et de toute science : de peintre, musicien, d'écrivain, poète, d'artistes et de scientifiques et d' inventeurs, en tous genres, lyrique et technique, culturellement une fois réunis, non seulement catégoriellement séparés ? Tout genre de création mérite une contre valorisation d'office par la nation, car il s'agit là d'une chose qui dépasse tout prix attribué d'après un marché arbitraire. Prémisse d'une révolution économique touchant le fond de l'oeuvre, à ce qui "monte" chez l'homme en sa qualité d'auteur digne de succéder à ... " Dieu " : informatique, génie génétique, molécules de synthèse, astronautique...

Pendant que l'on se complaît, parallèlement, en un économisme archaïque, que l'on se laisse envahir par des gadgets, que l'on excite l'individu à l'enrichissement vénal qui appauvrit l'esprit en état de manque autant que le corps en état de surplus. Et ainsi se perpétue la surproduction d'engins qui "descendent" de l'homme, le rabaissent aux pieds du Malin : armement, pollution, centrale nucléaire, etc...

Vous me trouvez irréaliste...Mais le réalisme consiste à demeurer attaché aux choses mauvaises ou injustes, de trouver normal qu'un inventeur n'ait pas de statut professionnel indépendant, qu'il soit l'obligé d'un fabricant parce que celui-ci a les moyens qui justifient l'inutilisation ou la fin de l'invention. Un produit de l'esprit, du travail, se distingue pourtant du produit d'échange, même bien emballé ! On a mis sa fonction marchande devant sa fonction utilitaire. Et quoique seule la charrue retourne toujours la terre, nullement les boeufs d'un marketing, non !

Tout reste à refaire sur la Terre. Et d'abord entre les seuls inventeurs. Car un inventeur est le premier des citoyens, celui qui est au commencement de toute chose artificielle, bonne ou - hélas - mauvaise. Son esprit inventif ne peut, ne doit pas rester replié sur l'oeuvre technique, ni fuir sa responsabilité. Un débat de propositions pourrait rassembler et unir les inventeurs si on ne leur refusait pas l'ouverture, afin qu'ils puissent surmonter l'individualisme inhérent à leur condition hybride, greffe d'une plante industrielle. Couler des intérêts d'inventeur et de créateur en général dans le moule polluant d'un marché, cela consiste en fait à légitimer une aliénation qui échappe donc à la conscience universelle !

Ayant mes idées sur la façon de valoriser et d'exploiter l'invention, comment les faire connaître sans frapper à la porte d'entrée des pouvoirs de tutelle ? Tous les inventeurs, tous les créateurs en fait, comme d'ailleurs tous les citoyens effacés ici-bas, sont dans le même cas. Ils n'ont pas la possibilité de se faire entendre, dès lors qu'ils se sont laissés prendre dans les filets du mensonge médiatique de la démocratie marchande.

Il faut avant tout espérer...., se battre pour que la notion de démocratie prenne du sens !

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PS : Ce texte écrit initialement pour un revue d'inventeurs n'a pas été publié à l'époque. Il reste actuel et inédit. L'invention d'une valeur authentique attribuée aux produits du travail caractérise, en effet pour la pensée, un dépassement indispensable des échanges économiques.

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