Handicap
International manifeste le 26 septembre dans plusieurs villes de
France dont Strasbourg - place de la cathédrale. Parrainant financièrement
chaque mois une victime civile de mine et ne pouvant pas me déplacer
à Strasbourg, je souhaite exprimer ma solidarité par voie
de presse. Mais ce que j'ai à dire n'engage que moi. A
chacun sa conscience.
Je crois que tout citoyen ne peut que s'associer à cette protestation
contre un fait horrible ayant rendu infirme à vie un
être humain innocent, et ce n'est ni l'âge (enfant généralement),
ni le nombre de ces victimes, ni leur éloignement de nous,
qui peut laisser indifférent. Nous éprouvons tous, au
fond, une certaine gêne : l'impuissance.
Alors quel est ce fait en cause ? Je dirais que de cette mine
de malheur ce n'est pas plus l'objet qui est en faute que la main
payée, employée au montage du détonateur (car
nous vivons à l'ère du chômage généralisé...);
ce n'est pas plus l'idée préméditant la pose
de mines voulues dissuasives que cette bêtise malfaisante appliquée
sur le terrain. Non, c'est le système économique qui
accorde la licence d'exploitation à tout ce qui rapporte de
l'argent. Comme cette production des mines est licite, légale,
normalisée, couverte par des institutions, tout est permis
à partir de là ! Le libéralisme d'entreprise
autorise autant la fabrication de fétiches en vue d'un orgasme
que de mines "antipersonnel" qui sautent sous les pieds. Ce marché
ne peut que marcher en hors la loi.
Notre impuissance ainsi s'explique. Dans la mesure où il ne
suffit plus de condamner, d'accuser, de légiférer, de
brandir droits de l'homme... D'ailleurs même si les fabricants
d'horreurs de ce genre se voyaient obligés par une loi de
payer les dommages causés et de financer un déminage,
ceci ne reviendrait en définitive qu'à leur faire réparer
des jambes laissées de bois. Mais cette revendication ne se
pose même pas, puisque l'économie sauvage de marché
est devenue chose sacrée.
Le sentiment d'impuissance vient ainsi du fait que l'on continue
de vouloir faire croire que tout ce que l'industrie produit et vend
s'inscrit dans l'ordre de l'histoire naturelle, aux conséquences
aussi inévitables qu'une inondation. Ce sentiment répond
à un défaitisme général de nos hommes
politiques envers ce type de fait accompli, mauvaise conscience à
l'abri.
Il doit y avoir pas mal de chaussures qui voudront reprendre une
derniere marche, côté parvis de la cathédrale.
__________________________________
Le journal régional sollicité n'a pas même eu
le courage d'informer ses lecteurs de cette journée nationale,
ailleurs relativement transmise, même par la "télé".
Voilà qui pose problème, pour le moins autant que le
sujet en soi. Strasbourg est prise pour un centre, la capitale citadine
de l'Europe, et à ce titre aucune menace ne doit peser sur
la périphérie rurale et sur le capital financier. Les
lâches se connaissent, se protègent, et craignent de
perdre pied autrement et plus gravement qu'en sautant sur une mine.
Et ils savent que cela sera, viendra !...
En dehors de ce constat régional de lecteur de presse, le
problème évoque le capitalisme en général,
sa production et sa démocratie marchandes en particulier et
qui se ramènent à un système totalitaire.
Alors ou bien ce système est d'ordre naturel, touchant le
centre et la périphérie, et moi, vous, nous tous ne
pouvons rien, sommes absolument dépendants de ce cyclone économique,
et nos votes, nos opinions, nos pensées mêmes ne valent
rien, ne servent qu'à entretenir ce tourbillon fou. Entraînés
en un mouvement perpétuel, à quoi bon vouloir intervenir,
puisque le capital dispose d'un droit d'état, de nation,
de fait, qui se moque bien mal de notre conscience personnelle, et
sans avoir le devoir d'écouter ou d'entendre la loi du travail.
Et il ne peut y avoir que des gens irresponsables et non coupables.
Ce ne sont point des citoyens...
Ou alors, tout rapport capital-travail est déterminé,
d'ordre humain, touchant la périphérie jusqu'au centre,
chaque citoyen se trouvant politiquement et économiquement
engagé, sinon impliqué, en tout ce qui arrive à
la société, en bien comme en mal. Et il y a donc assurément
une majorité de citoyens sous responsabilité conditionnelle,
une minorité de citoyens absolument coupables car relativement
responsables, également ! L'histoire des hommes reste pour
le prouver !
Personne ne devrait pouvoir se laver les mains sales si, en cette République-là,
enfin arrivait un...lendemain ! La vraie démocratie
serait mise en oeuvre par...Mandats de raison ! On y
viendra, y arrivera-bien, un jour, certainement !
1998