Marcel Wittmann, 1989
Un grenier nébuleux, usine à tissage d'araignées dont les toiles s'accrochent à une énorme quantité d'objets. De rares mouches, davantage de mites, forment l'essentiel de la nourriture des tisseuses rescapées. Des cloches d'habitation à frelons pendent sous la charpente, de leur architecture alvéolée plus ou moins déchirée. Elles sont pareillement abandonnées cet hiver. La poussière, heureusement, reste peuplée dacariens résistants qui désodorisent et assèchent le lieu.
Les propriétaires eux-mêmes n'habitent plus cette maison, chassés par leurs biens matériels rassemblés en ce grenier. Presque tous les riches ont, en quelque sorte de cette manière, réussi à quitter la Terre. Ils sont partis coloniser Mars, via Phobos. Cette planète ayant, comme la Terre sa Lune, son satellite d'escale.
Les pauvres restant au sous-sol ne triment plus; ils se sont groupés en tribus libres autour des villes, vivent de tous les dépôts d'ordures à ciel ouvert sinon défoncent ceux, plus anciens, qui ont été comblés. Il ne reste déjà plus rien des entrepôts de nourriture. Il n'existe même plus de banque alimentaire, et parler d'argent est devenu une plaisanterie. Toutes les capitales ont détruit leurs murs de séparation, y compris Berlin. Des curieux montent parfois dans le grenier. Mais plus personne, depuis longtemps, n'est venu le visiter dans un but précis.
La soie naturelle dont les fils et la trame, en couches épaisses, recouvrent et protègent les choses délaissées, n'a été fabriquée que pour cet impitoyable motif : tendre un piège pour combler soif et faim. Il en est de même des objets artificiels de ce lieu privilégié qui n'ont servi qu'à attraper des clients, en vue de réaliser du profit. L'homme a industrialisé sa planète pour satisfaire ce besoin-là, uniquement par intérêt mercantile. Sans lequel rien de mal ne pouvait arriver à ce tas de biens.
Mais revenons un temps en arrière, en quelque actualité en devenir.
Une surproduction dédoublée en monnaie finira par engendrer un capital de surplus incommensurables. La guerre nétant plus possible pour en détruire une partie, à cause de la dissuasion nucléaire, chimique et bactériologique, la suraccumulation dobjets fera de la terre une poubelle, de latmosphère du méthane, des eaux de lacide.
Les politiciens s'avéreront impuissants, incapables de gouverner un état au débordement de matériels devenant inutiles, impropres à lusage. Une publicité effrénée, transmise en chaque demeure par les ondes, aura fini par crétiniser les habitants de la Terre par des gadgets, avec des jeux vidéo, des débats anodins. A lappui de la conjoncture économique en crise, un sordide intérêt identique aura réussi à enchaîner le producteur au consommateur : lun obligé de vendre, lautre d'acheter, coûte que coûte.
Le destin des hommes affichera cette médiocrité continue, par échange chrématistique - banalement, en quête dun profit dargent. Une dégradation se généralisera dans la diversité, avec expansion de produits marchands, clonage sélectif des seules choses qui rapportent, élection répétitive de politiciens corrupteurs parce quobligatoirement corrompus dans cette production dun capital si impérativement nécessaire.La technologie génétique, non contrôlable en ce désordre de marché, sera mobilisée en des laboratoires sans scrupules, par des industriels sans morale, par des entreprises vicieuses, employant de dociles salariés sur qui pèse la menace du chômage; technologie destinée à satisfaire des commandes militaires, alimentaires, pharmaceutiques, aux rendements assurés en continu. Le « génie » génétique associé à la découverte de nouvelles molécules synthétiques aura fini par créer des monstres, dans le règne végétal, animal, salarial; sortes de répliques des plus productifs, sajoutant aux robots mécaniques les plus compétitifs, se dédoublant dordinateurs en ce sens programmés.
Les plus vulnérables seront achevés en traîtrise mais aussi anesthésiés que les bêtes, comme des vaches crevant silencieusement en des étables, danabolisation, dintoxication par leau et lair pollués, détouffement dans les champs au contact des herbes mauvaises, ou simplement par de la nourriture composée avec de la poudre provenant de cadavres; ou encore se verront-ils dépistés et pourchassés dans les rues par des bandes de gamins qu'auront excitées multimédias ou parents désoeuvrés. Cette pollution multiforme aura pénétré lhumus, fait périr des milliards de tonnes de vers de terre, nécessitera des labours et des amendements répétés, apports de nitrates à satiété, dans le seul intérêt dun cartel agro-alimentaire. Mis en friches après avoir été mis en jachères, les sols ne laisseront plus pénétrer les pluies qui dévaleront ou, à lopposé, les terres saturées ne les absorberont plus. Dans les deux cas des flots dévaleront sans retenue, emporteront sur leur passage des labours chimiquement surfertilisés mais qui ne contiendront plus de bactéries utiles. Les habitants riches occuperont les plus beaux sites, chassant les pauvres au fond de vallées inondables ou marécageuses, sur de sombres hauteurs forestières ou darides plateaux et on y étouffera d'un climat devenant fétide, carbonifère. Une faune virale se sera adaptée aux éléments toxiques, aura engendré des souches immunisées, généré des variétés inconnues, agressant les denrées alimentaires stockées, jusque dans les réfrigérateurs. Ce qui déclenchera un cancer pandémique touchant le foie, obligeant la consommation de nourriture conditionnée autrement, en vue d'être aspirée.
De sournoises maladies virales, tel le sida, auront nécessité le recours général au préservatif mécanique, à la pilule, aux psychotropes, et autres remèdes de cheval, arrangeant le capitalisme médical par la fabrication de remèdes aussi nocifs que le mal. Même les râleurs de cur auront cessé de rougir, de saigner. Alors le pire viendra de la tentation lucrative, avec la spéculation d'innombrables tireurs d'intérêts bancaires, légitimant la malice, la commune débrouille, le système D revenant d'un temps de guerre; le pire sortira des banques qui, sans retenue, blanchiront l'argent mal acquis, endettant les familles au moyen de crédits perpétuels. Toute leur existence, leur descendance même, sous hypothèque mise.
La crise chronique d'une économie cachera sous la couverture sociale des « droits de l'homme » le devoir des riches; et les escrocs bien mis, les politiciens prévaricateurs, partout se permettront de rançonner les gens, quand les revenus spéculatifs auront dépassé les revenus du travail. La mafia deviendra primordiale, licite, se vulgarisant, se démocratisant, s'identifiant à une honorable entreprise privée, supranationale.
L'Europe aura abouti à un parking de supermarché, sans toit, sans arbres, la liberté perdant tout abri ; chaque maison affichant une publicité, tout front sa marque, chaque ride sa couche de crème. Toutes les identités matérielles et vitales auront été substituées. Et chaque tête portera une conscience marchande moyennant pantoufles asiatiques aux pieds.
Comme la science, médicale surtout, prolonge la vie, elle créera des conflits avec la structure mondiale d'un marché caduc mais toujours disposé à se faire appliquer un lifting après l'autre, et ceci afin d'entretenir l'homme à gagner sa vie pour ne pas la perdre. Le salarié arrivé au terme naturel de son existence, la verra se prolonger, ce qui représentera un coût - un trou - pour la sécurité sociale mise en péril. Les vieux en surnombre en viendront à mourir à l'aide d'une assistance bénévole, sinon sous anesthésie recommandée, le plus souvent avec leur accord, honteux de rester sagement en vie ou de laisser trop longtemps attendre un héritage.
Avec tout cela sur les bras et sous les yeux, les pouvoirs publics encore optimistes seront devenus lâches, les autorités politiques encore naïves se seront démises, formant des frelons inutiles. Par là-même ils consentiront au maintien du taux d'intérêt des prêts alloués aux pays du « tiers-monde », au mépris de la paupérisation de peuples voués à en payer les dettes imposées. Ces irresponsables de la Terre n'arriveront pas à s'entendre sur une logique de marché propre. Ils préféreront déchoir plutôt que de perdre leurs privilèges.
Tous trouveront facilement assez de savants et de techniciens, achetés à leur goût avec des salaires servilement élevés, pour se permettre de s'enfuir, loin de ce monde misérabilisé d'abondance. Ils iront fonder une ruche avec ces autres salariés moins exigeants que sont les robots et, bien entendu, garderont la vieille loi du marché dans l'affaire. La plus-value se "regrade" et elle restera la reine à suivre par l'essaim des nantis, dans le but de faire renaître un marché neuf au sein d'une colonisation astrale. Beaucoup les suivront là-haut, dans la traînée des miasmes du capital, par wagons cosmiques entiers.
Il ne leur aura pas été recommandé, même par les partis révolutionnaires, de concevoir un monde différent ici-bas, étant donné la tendance maligne des hommes à l'enrichissement, contents d'une gratification fétiche primaire qui, quoique affadie, aura semblé intouchable sinon normale à la majorité. L'entreprise capitaliste continuera de la sorte, partant sur cette nouvelle lancée, en absence de toute mémoire, pour fournir et déplacer malins en affaire et salariés increvables.
Les esprits de culture, les fronts pleins de mots, au verbe haut habituellement écouté, auront de moins en moins été entendus, auront de plus en plus gardé le silence. La respectabilité les obligera à rester chez eux, reclus dans leur propriété, végétant sur des réserves. L'inavouable complicité se paiera d'un prix dévalorisant, comme toute oeuvre, immatérielle autant que matérielle, lorsque faite marchandise.
L'homme qui grimpe les escaliers porte une barbe, à la façon des juifs de 1922 dans le Berlin d'entre les deux grandes guerres. Il s'appelle Adolf Abraham et il espère découvrir son objet qui n'a pas eu d'avenir. Habitant la Windscheidstrasse à Charlottenbourg, il arrive au grenier qu'éclaire un seul rayon solaire, vibrant d'un peu de fine poussière, venu d'entre deux tuiles mal posées. Peut-il trouver ce qu'il cherche, ne disposant d'aucun autre éclairage ? Il lui faudrait s'occuper toute la journée à suivre cette faible lumière parcourant l'encombrement d'objets qui n'ont plus d'importance pour personne.
Mais lui n'a jamais cessé de chercher le produit de sa pensée - son invention.
Le citoyen allemand, Adolf Abraham, nullement embarrassé, suit le rayon qui fait le tour du grenier aux objets débarrassés de leurs possesseurs. Le produit en question, souhaite-t-il, est peut-être là, invisible, en-dessous de la présence des autres. Cet inventeur conserve, dans la poche de son veston, le brevet portant un numéro d'archives allemande et britannique, déposé en Allemagne puis en Angleterre, comme bien fiduciaire de protection d'une chose n'existant probablement pas.
L'homme finit par s'endormir dans ce grenier, après le coucher du soleil et de son unique rayon d'espoir. Adolf Abraham maintenant songe, profondément. Il donnera la parole à tous les objets vrais, pareillement déposés quelque part.
Ils ont la parole nécessairement objective, les objets. Mais en faire l'inventaire concurrence le règne des plantes, décourage les hommes. L'errance marchande empêche de saisir leur authentique valeur. Même scellés sur un socle, ils ne sont point de marbre, ont le cur lourd, portent une charge indue. Ils sont pour la matière ce que sont Palestiniens et Israéliens pour toute leur vie. Adolf Abraham les dénombre. Ses yeux clos transpercent la soyeuse nébuleuse qui les recouvre et, sans trébucher, maintenant il essaie de compter leur encombrement :
Douze cent clous divers; un marteau de-ci de-là; une seule tenaille d'avant-guerre (On en eut de moins en moins besoin ensuite); un unique poste de radio à lampe parmi de nombreux appareils à transistors (N'étant plus réparables, ils devenaient donc jetables); d'innombrables boîtes métalliques de bière bue (évidemment irrécupérables); une bonne douzaine de chaises diverses et d'époques successives, presque toutes défoncées; une table de jeu (Comment a-t-elle pu monter si haut, se demande Adolf - mais il le sait); des tapis, grands et petits, roulés et pliés, partout; des lampes autant que dans un magasin, trente trois exactement; une poussette de bébé; des ours en peluche, quatre précisément; des photos encadrées; des illustrés, magazines, photos érotiques apparentes sur des pages ouvertes, innombrables, même pas rongées (Que sont devenues les souris, se demande Adolf); deux électrophones; un tourne-disque à laser, plus récent; dix huit briquets à gaz jetables (Pas plus nombreux, c'est étrange); six stylos à bille et à feutre divers; cinq gros paquets de journaux, soigneusement ficelés; deux balais (Il en faudrait bien plus...); sept aspirateurs de modèles et d'âges différents (inutilisables : il n'y a plus de courant électrique) ; trente cinq tournevis; presque autant de machines à écrire (Il dut y avoir des bureaux...); cinq calculettes, deux ordinateurs; un concasseur de grains (Curieux mélange); deux pelles; deux brucelles d'horloger; une paire de lunettes et plusieurs étuis vides; une toupie à bois sans moteur à côté d'un touret; une scie sauteuse; une boîte remplie de pitons; un coffret de vis, de rivets, d'écrous, de rondelles, goupilles, etc...; un chalumeau à gaz; trois faucilles et une faux (début de siècle); un taille-haie à batterie (fin de siècle); un dévidoir pour tuyaux; un appareil photo; six harmonica; deux tambours ; une baguette de tambour intacte, une autre cassée; une guitare; un violon; un métronome; des jumelles de théâtre; un pluviomètre; huit montres d'époques successives, celle à quartz continue de marcher; plusieurs vases en faïence, tous brisés; deux brosses à habits; un matelas; un radiateur; trois téléphones; cinq peignes; une bouteille d'eau de Cologne presque vide (Elle dégage encore de son parfum); des paquets de linge plié; deux torches électriques; dix pièges à souris; un masque à gaz français de 1939 (tiens, qu'est-il venu faire à Berlin ?); un niveau à bulle d'air; une équerre à chapeau; quatre mallettes en cuir; une paire de pagaies; deux portefeuilles, dont l'un contenant des marks; une pipe et trois fume-cigarettes; un projecteur de cinéma d'amateur; un décamètre à ruban; deux compas de précision; une bouée de sauvetage; trois paires de pantoufles; trois tableaux anciens (non identifiables); un damier avec tous ses pions rangés; trois paires de ciseaux; deux cannes à pêche dont une, précieuse, en bambou refendu (du vivant d'Adolf ?); une boîte à mouches artificielles; des quantités de billets de banque mêlés et d'époques différentes; des carnets de chèques; de la monnaie sonnante, beaucoup, surtout en pfennigs, répandue sur le plancher, en-dessous des autres objets.
Arrivé à ce coin d'exploration du grenier, le dormeur se retourne pour noter les objets situés de l'autre côté. Ceux-ci lui paraissent si innombrables.... Et par ce songe, il continue une recherche qui en perd le sens, celui conduisant à l'objet apparenté à son invention, ou celui de suivre, jusqu'à trouver peut-être le produit réinventé par quelqu'un d'autre.
Sans un soupir, les yeux clos, le cur ne battant presque plus, les mains entre ses genoux repliés comme en attitude ftale, il perçoit ce monde d'objets à la fabrication desquels il aura participé. Ainsi que se crée une nouvelle espèce, un nouveau genre de créature, après les plantes, les animaux, les salariés : le méga-genre technologique, aux membres rectilignes, à la vitalité saccadée, aux rondeurs parfaites, au souffle à membrane, au langage binaire, à la vision virtuelle et à la main-d'uvre non mécanique mais encore machinale. Force motrice allant devenir quantique, impondérable.
Adolf Abraham regarde à ses pieds ce genre de bête technique livrée à elle-même, laissée pour compte par le commerce du gros et du détail, tout comme du bétail non consommable mais abattu. Les métaux, les alliages, les matières synthétiques, les objets aux molécules cristallisées, ne dégagent point l'odeur d'une décomposition bactérienne. Ils rayonnent d'activité imperceptible, d'oxydation, sinon d'avenir indégradable. Du vivant immortalisé. Du mouvement rendu perpétuel. De la dialectique cybernétisée.
La contribution d'Adolf Abraham est certaine, au départ du productivisme systématique des autres. Son esprit est revenu dans le futur antérieur, en un devenir qu'il aura aidé à remplir. La parole des objets, il l'aura voulue nécessaire.
Une création technologique s'anime enfin, vraiment, sous les combles obscurs, dans la vieille demeure bourgeoise de Charlottenburg, selon le voeu du juste isolé des millions de juifs crématisés. La parole donnée lui vient sous la pression des grands nombres, par le poids de l'activité quantique. C'est arrivé aux hommes, autant qu'à leur production : toutes sortes de rallonges artificielles de la main et de l'esprit ayant fini par prendre leur indépendance, leur matérielle liberté. Les objets quantifiés se prêtèrent d'ailleurs à de multiples avertissements...
A des milliards de kilomètres de la Terre natale, un satellite artificiel, par la vertu d'un programme des plus ordinaires en son unique ordinateur de bord mais contenant une plénitude de bits en son logiciel, avait déjà désobéi, s'était rendu autonome. Plus personne ne s'en était soucié, depuis qu'il était parti en direction d'une constellation. Une autre fois, une capitale bombardée, rendue à la matière minérale - en monts et cratères de gravats, sacs à sable, tas de tôles, fers tors jaillis du béton dégarni, éclats d'obus - émit un son de pur cristal, se trouva réduit en paquets d'ondes, en signes quantiques. L'essai échoua...
Il y eut aussi ce quantum de toxiques mélangés en des fûts entassés, se manifestant un soir à la tombée du vent, sur un navire en perdition entre ports Il y eut, encore, ces cris sur les décharges collectives, au creux des ravins détournés des regards, cette fusion à froid des ions métalliques Comme il y eut ces armements et ces résidus chimiques conservés en l'ancienne ligne Maginot et en dépôts US, répandant leurs molécules organophosphorées, sournoisement létales...Il y eut, également, cette démographie galopante chevauchée par la démocratie en compétition avec une accumulation de capital. Et le désespoir de milliards de personnes exprimé par un accroissement de la criminalité, d'émeutes urbaines; auquel s'ajouta un déluge provoqué par le réchauffement artificiel de l'atmosphère. Il y eut l'insécurité due au chômage chronique, aux maux engendrés pour un nombre grandissant de gens, les suicides et les disparitions, des foules désenchantées, des individus stressés sous psychotropes, cherchant la mort; puis vint une jeunesse avide d'alcool, de tabac, de multiples nouvelles drogues sur un marché tolérant, gonflé d'impuissante sexualité, de virtuelles et plates promesses informatiques, de musiques rythmiques à la recherche de mélodies perdues.
Un flot d'usuriers exploitait une crétinisation généralisée par écrans hypnotiques interposés. Vice et vertu étaient rendus égaux devant le fait accompli d'une mise en valeur marchande totalitaire de tout objet. La seule entité restée identique à elle-même ce fut Dieu, être indivis, également perdu dans la diversité des grands nombres. Aucun suffrage n'échappa plus au Malin, incarnant l'être divis, parfaitement à l'aise, pourvoyeur de ce « macro-quantique », et qui ricana par la bouche de chacun, en toute cité, s'étant infiniment démultiplié, même en pays restant béni. Dieu avait-il tort d'être unique contre des majorités ou de rester seul avec des minorités ? Lui ne vivait pas au-dehors, seulement en-dedans. Il reconnaissait donc les vrais chrétiens parmi les faux et même en ceux se prétendant athées. Dieu les avait tous abandonnés ainsi à des malins travestis en croyants sans confession ou en impies jurant sur son nom. Son fils étant toujours vivant, présent sur Terre, ici ou là, puisque ressuscité Vieille histoire.
Rien d'étonnant d'entendre subitement tous les objets d'un grenier prendre la parole. Les hommes ne l'avaient-ils pas proclamée universelle, pouvoir impersonnel, force fondée sur l'expression numérique donnée à la gent humaine orientée médiatiquement vers les urnes de la collective irresponsabilité ! A l'opposé de la confiance directe et lucide du suffrage personnel, de la pensée ou de la foi souveraine.
Le dormeur est soudain assailli par des bruits multiples que ne maîtrise plus l'idée enfouie en son inconscient : percussion, frottement, grincement, sifflement, bruissement, claquement, craquement, cliquetis, suivis de détonation, éclatement, fracas concordant, à la résonance non manifestement significative.
Une épingle cachée, la première, perce soudain le retentissant débat sonore qui a réveillé le cortex de l'homme.
Et Adolf Abraham en connaît des langues Il n'a point de mal à traduire, au fond de son esprit, celle des objets faisant vibrer l'air clos autour de lui.
Voici que ces paroles d'objets fusent :
- Personne ne nous demande, dit la petite pointe d'épingle d'un ton aigu.
- On ne nous offre non plus. Avons perdu notre valeur.
- Quelle valeur ?
- La valeur qui nous rendait marchande.
- Ah, ce fantôme...
- Nous affichions bien un prix...
- Ce n'était qu'une étiquette de boutiquier.
- Nous voilà déballés, définitivement.
- Ne sommes plus à vendre ni à acheter.
- Non plus à consommer.
- Pas même désirés.
- Et plus utilisables.
- Hors d'usage, tout à fait.
- Usés par l'usure, oui !
- Nous sommes les orphelins d'un capital paralysé.
- Ne rapportons plus de revenus.
- Sommes délaissés du travail.
- Il ne peut plus nous reproduire.
- Nous l'avions refusé, conduit au chômage.
- Notre production en est arrivée à saturer les besoins.
- Notre superflu a pollué les rivages de la consommation.
- Nous avons réussi à faire fuir toute clientèle.
- C'est arrivé la première et la dernière fois en notre développement, en bout de croissance.
- Ne mélangez pas vos justes plaintes à celles apprises des professionnels d'un économisme de catalogue, que vous n'avez point à répéter, car nous n'y figurons plus. La science et la technologie ont été asservies à l'hégémonique marché mondial, dominées par des entreprises multinationales ayant acheté tous pouvoirs. Nous sommes des produits qui avons été créés pour rapporter de l'argent et non pour satisfaire de légitimes besoins.
Ainsi s'exclame un compas ayant réussi à se redresser sur ses pointes émoussées, au centre de ce tas de biens laissés pour des riens. Comme si l'instrument voulait tracer la quadrature d'un cercle, jamais réussie par les hommes, il gravite sur lui-même par ces paroles prises enfin. Les autres font silence. Le seul témoin vivant, Adolf Abraham, entend à présent s'exprimer une équerre à chapeau d'angle droit :
- Du travail ?... Parlons-en !
- De la valeur ?... Parlons-en ! reprend le compas.
- Du prix ?... Parlons-en ! ajoute un objet pendu tel un fil à plomb depuis le faîte de la haute charpente dans le grenier, se balançant imperceptiblement sous l'effet de la rotation terrestre.
- A nous d'en parler, objets. Oui.
- Ma valeur s'était dégonflée d'année en année, consécutivement au remplacement de la force de travail manuel et intellectuel par la force productive de travail mécanique et puis de commandement informatique.
- Moi, j'avais maigri de cent heures en dix ans.
- Ne vous plaignez pas vous autres. J'ai été dévaluée plusieurs milliers de fois en quelques années, émit un minuscule transistor enfermé en un circuit imprimé. Et, figurez-vous, ce travail au rabais n'avait pas même été compensé par un prix en hausse.
- Ton cas était typique d'une dégradation de la valeur en fonction d'un travail quantifié, reprend le compas, d'un court tracé.Un tracé de pointe..
- Moi, fait un anonyme objet, j'avais pu voir qu'au fur et à mesure où ma valeur partait mon prix aussitôt la rattrapait.
- Notre valeur en baisse avait été soutenue par un prix en hausse.
- Les politiciens s'accoutumèrent à la supercherie.
- Ils parlaient d'inflation pour signaler la croissance constante des prix, sans se soucier de la décroissance parallèlement constante de notre valeur, se rappelle l'équerre.
- Les économistes semblaient ignorer la dégradation de la valeur marchande mise en nous, exprime le compas, d'un arc en retour.
Tous les objets prêtent bonne réception à ces deux singuliers instruments de mesure qui, devenus juges et parties, n'exercent plus que ce rhétorique emploi. Les autres s'ouvrent à eux :
- Oui, dit un vieux parapluie, je me souviens des services rendus, de ma toile trempée, de mon repli dans un fourreau, de mon abandon en plusieurs endroits, de mon oubli, ma perte en somme. Mais je n'ai point la mémoire de ma fabrication.
- Je sens seulement la main qui me prenait à l'usage, s'ouvre à dire un couteau. Je n'ai aucun souvenir d'une coupe.
- Moi j'entends encore bien la mélodie qui émanait de mon corps en bois caressé par l'archet, ajoute un violon, toujours vibrant.
- Vous ne pouvez pas entendre mon fonctionnement qui
perdure, indiquent les aiguilles d'une montre à quartz.
- Sentez-vous l'odeur de mes huiles, maintenant que le vernis craquelle ? demande un tableau.
- Nous savons seulement que ta valeur avait été payée au prix équivalent à la misère de l'artiste-peintre, puis que l'uvre avait été achetée deux siècles plus tard au prix fixé par un riche collectionneur, s'applique à dire sèchement un pinceau.
........ - Ma valeur, aurait-elle changé à ce point ? Le travail consacré à ma création aurait-il pu générer ou, plutôt, dégénérer ainsi; aurait-il pu faire nommément un prix aussi démesuré ? lâchent les cordes de l'instrument de musique.
- Oui, spéculativement, sous l'effet de ta rareté, de ton ancienneté, ou du renom de ton servant. Non, si l'on considère que le critère de ta valeur réelle se figurait en quantité déterminée de travail originel et, hormis l'usure du bois, cette valeur-là était normalement inéchangeable, ajuste l'équerre.
Et la réflexion vient aux objets comme s'ils l'avaient toujours eue :
- Pourquoi le travail consacré à notre création avait-il pris, à notre insu, cette valeur centrale; puis celle-ci un prix également ajouté à nos dépens et dont nous savons maintenant qu'il masquait ce labeur à la production ? On nous avait évalué colis : la valeur formant un contenu emballé d'un prix. Ce que l'on appelait : une marchandise.
- Pourquoi faisions-nous ce colis affichant un prix et ne portions-nous pas, à l'intérieur, en qualité de produit, l'indication de cette valeur égale au travail mis ? Pourquoi, oui, nos producteurs admettaient-ils qu'un travail crée une valeur à la production, nous l'attribue, pour se la faire subtiliser sur un marché ?
Le compas pivote en arrière de sa branche traçante. Il tente de graver la marque d'authentification aux objets en instance d'interrogation. Sa pointe affûtée crisse :
- Parce que le travail social que nous étions censés emporter avec nous ne formait qu'un ectoplasme, une abstraction. Il disparaissait à vue dans la pratique individuelle, aussitôt l'action accomplie, et n'existait donc point concrètement, matériellement.
Le travail étant une chose séparable de son produit et sa valeur propre était en principe aussi inaliénable que nous. Mais pour nos maîtres et ensuite nos marchands d'uvres, il avait fallu prendre le travail en témoin comme unité de mesure conventionnelle d'échange. Or gardé en mémoire, le travail ne pouvait que faire le substitut de nos identités, par l'ignorance ou par l'inconsidération de nos spécifiques critères de valorisation - ceux qui nous permettent à présent de nous exprimer sans plus connaître cette altérité.
- Parce que notre valeur profonde et véritable était volontairement ignorée, éclipsée par la valeur du travail qui, à son tour, était profanée par le prix, précise l'équerre.
- Ce fut la grande faute historique des hommes de croire que puisque nous étions réalisés avec du travail celui-ci restait en nous, se cristallisant en ses produits, se rappelle le compas.
- On n'en a toujours pas idée, nous autres.
- Je ne m'aperçois pas du travail contenu en moi.
- Pas davantage que les travailleurs dont le métier fut de nous créer oeuvres indépendantes, instruments au service de la vie.
- Le travail a dû être métamorphosé....
- Reste-t-il du travail par ici ?
L'on n'entend rien. Le monde abstrait ne se manifeste point. Les objets reprennent leurs voix justificatives :
- On a servi.
- Nous avons été employés comme des ouvriers.
- En vérité, on ne valait rien !
- Où est-elle notre valeur authentique ?
- La valeur qui nous avait été confiée date d'une époque ancienne, du temps où les hommes durent faire l'apprentissage de notre commerce, professe le compas.
Et quand les comptes électoraux s'étaient mis à se substituer à toutes les identités matérielles, aux droits des produits comme aux droit de l'homme, le monde entier fut pris au jeu d'un marché fuyant au-devant des vrais besoins, de sa responsabilité.A qui réclamer maintenant notre authenticité d'objet ? Qui va, qui peut nous donner la valeur convenant à notre intrinsèque identité ?
- Nos réalisateurs ?
- Ils n'ont même pas été capables de la voir !
- Ils ont refusé de nous entendre.
- Ils ne sont plus là pour nous écouter.
On n'aura jamais vu cela : l'équerre, restant posée sur son chapeau, se dresse tout à coup pour un discours de principes :
- Le travail ne s'est jamais intégré en nous, objectivement. Nous existons en qualité de produits affirmant la transformation du travail de l'homme. Nous resterons, pour la providence, des oeuvres d'un genre nouveau, reproductibles comme les genres de créatures naturelles. Nous subsistons, dans l'absolu, en qualité d'objets de négation du travail productif. Car nous avons été réalisés objets concrets, matériellement et physiquement rendus indépendants du travail abstrait.
« Ce travail, une fois contre-valorisé, il était anormal de devoir continuer à le transporter, de sentir s'additionner en nous le service d'intermédiaire, puis de nous le faire payer et repayer sur un marché de dupes mutuellement consentantes. Nous n'avions pas, nous oeuvres du labeur vivant, à transmettre les défuntes activités en l'au-delà des échanges, afin qu'elles ressuscitent en salaires et profits. Le beurre n'a été battu, vendu, acheté, tartiné, que pour l'argent du beurre.
(Ce produit périssable ne figurant pas dans le grenier).
« Il eût fallu que l'on nous conférât une valeur d'échange séparée des heures de travail consacrées à notre réalisation et indépendante d'un nombre de consommateurs intéressés à une mise à prix.
« Il eût alors fallu que la monnaie serve exclusivement à faciliter les échanges, et pour cela il eût simplement suffi de l'instituer en entrée dans l'économie, sous contrôle social et démocratique de la juste répartition - et non produite avec nous, objets à la sortie de ce marché, ni reproduite à la bourse ou sur un compte bancaire. Un objet qui possède la fonction d'échange est oeuvre d'action n'ayant pas de but en soi. Mais comme cet argent avait été produit par le travail pour sa propre fin, nous n'avions pas à le conserver avec nous en signe de gratitude, à le laisser se lever pétrin pour du pain de riches semant leurs miettes. Et c'est évidemment sans pouvoir être retenu que le travail potentiel des hommes s'en allait, faisant des chômeurs par dizaines de millions.
« Nous, objets de l'intelligence et de la connaissance ultimes nous revenons, par contraste, marqués par cette valeur empruntée au travail et qui descend d'une époque marchande archaïque, du temps où la pénurie des acquis de l'esprit dépassa le mal des besoins. Et, par la suite, nos maîtres d'uvres n'avaient malheureusement pu se défaire de la croyance que nous étions porteurs de leur labeur, de leur seule force, en lieu et place de leur talent, de leur savoir, intégrés à nos propres qualités, à nos propriétés intrinsèques, vrais critères réunis, incarnés en nous tous ici ! aujourd'hui !
« Le désir mental des hommes aspirait à une satisfaction définitive, à se donner du plaisir pour combler un besoin d'infinie richesse. L'industrialisation de l'humanité se déterminait librement, sous la conduite des hémisphères cérébraux gauches s'en fournissant les moyens et des hémisphères droits se fixant les fins. Alors le développement technique du monde se suffisait logiquement de la conception primaire d'un marché, sans souci du décalage grandissant entre savoir et vivre.
Nous, objets, nous étions les instruments de ce besoin. »
Le compas trace encore ces derniers cercles, en forme de mots :
« Il eût fallu que l'on délivrât le monde de cette logique qui fit de nous, objets, des marchandises. Avoir permis de tirer de l'argent de notre production en nous vendant au nom du travail, voilà un sacrilège d'identité, notre livraison à la décharge publique ! Les hommes, face au capital fourni aux poubelles, ne virent plus d'horizon. Le ciel s'obscurcit avec leurs miroirs sur la terre, avec l'eau et l'air si vitaux. Le feu, symbole de l'enfer, s'en tira substantiellement et se répandit avec ordre, lui. Nous autres, fabriqués de mains et par des machines, nous l'avons échappé belle en aboutissant dans ce grenier, sans savoir comment; mais non les forêts, non les cultures, non les animaux, non nos maîtres d'uvres. Nous continuerons à réclamer nos valeurs authentiques, nous objets traînant dans la poussière. »
Adolf Abraham s'est réveillé soudain sur ces doctes paroles d'objets. Ce qu'il a appris ne le surprend guère. Son invention n'avait sans doute pas été commercialisée, sinon il l'aurait entendu. Elle aura échappé à ce défaut privilégié de devenir une altérité, c'est-à-dire, une marchandise.
Son esprit détaché du lieu et du moment, dépassant la dimension du temps, comme si intégré au champ circumterrestre de la mort corporelle, ne prête absolument pas attention au balancement rotatif de cet objet formant pendule et qui est suspendu par un fil de nylon au-dessus des autres objets, se mouvant en un cercle grandissant.
Sa pensée libérée n'a vu que ce rassemblement d'objets qui rendait à la raison son expression objective. Il croit vivre subitement en un monde du bonheur achevé - et non de malheur, comme ils l'ont dit -, tout entier équitable par définition, tenté d'aucune mesure diabolique - quantique. Il se sent comme débarrassé de son ancienne vie qu'il avait dû gagner. Et en cet instant de grâce, bien des choses s'éclairent en son esprit. La raison lui apparaît pour laquelle il n'avait jamais pu être donneur d'emploi, seulement demandeur, durant toute son existence, comme la plupart des hommes, juifs, arabes, noirs, et autres indiens, de couleur salement blanchie pour faire bien, tous vaincus par la pauvreté avant même de pouvoir se battre.
Son imaginaire projette aussitôt de consacrer tout son temps, maintenant, à créer de belles oeuvres, la pensée libérée du parasitisme marchand. Son jugement lui laisse espérer ne plus voir confier un argent au travail, un quelconque signe en substitut à son objet personnel. Sa logique lui fait prendre conscience que la production des hommes est une négation de leur labeur, que tous les produits se suffisent bien de leur valeur concrète et qu'ils ne valent plus rien si dédoublés d'une valeur abstraite, d'un argent produit avec eux. Il émet l'idée d'une monnaie d'échange fondée de droit, qui n'enlève et n'ajoute rien à la valeur des choses. Si les objets ne figurent plus avec une valeur subjective, à prix spéculatif, alors seulement le monde se prêtera aux échanges équitables, se persuade-t-il. L'homme croit pouvoir ouvrir la porte sur le règne de la raison.Trop tard Adolf Abraham...
Toute l'oeuvre des autres hommes aura malheureusement servi à la dégradation de la nature terrestre, à la suite d'une concurrence économique infernale, d'un productivisme sans limites imposé à tous, d'une exploitation effrénée des ressources de la Terre. Et, lorsque la compétitivité existentielle avait fini par passer de l'ouest à l'est sous couvert de la pseudo démocratie politique, cette civilisation marchande se trouva bientôt classée, avec la prétendue loi du marché, dans la catégorie des lois de la sélection darwinienne des espèces disparues.
Les objets dans le vieux grenier ont encore exprimé l'espoir d'un autre développement, non dégradant, celui d'une économie écologique, plus durable.
Trop tard, pour eux aussi.
La découverte s'achève pour le juif allemand dont l'attention est soudainement revenue à la réalité, retenue par le mouvement de l'objet pendant Et les voilà tous pris d'une giration semblable, pendulaire, gravitationnelle, et d'un allégement subit, qui les soulève d'une force centrifuge. Une variation de la pesanteur les fait se heurter les uns les autres dans un bruit final, le cri d'une dernière parole prêtée, comme si le globe terrestre venait d'accroître sa vitesse sur lui-même. Un levier invisible semble arracher le plancher dans le grenier, car s'exerce sous les mers une étrange poussée sur les continents qui s'élèvent. Les objets, apparemment si innocents, semblent s'être tous conjurés avec la déviation prise depuis longtemps par les hommes.
Tout, maintenant, finit de travers. Adolf Abraham est convaincu : son invention a été appliquée, quelque part, mais à son insu. Seule la parole des objets a été exhaussée, sous la poussée verticale d'Archimède, à l'appui horizontal de la force de.... Coriolis.
Adolf Abraham a réellement existé sous ce nom, et les quelques données biographiques le situant sont exactes. Mais son invention n'est ni objet ni sujet de la présente nouvelle.
Il se trouve simplement que l'auteur, inventeur inconnu comme Adolf Abraham, après avoir déposé un brevet d'invention français, a appris par Avis administratif de recherche que son projet rejoignait en partie le principe d'un prédécesseur...
C'est donc par solidarité et pour rendre hommage à un inconnu, aussi en mémoire d'une même idée partagée - sans en être conscient au départ - à des périodes différentes de l'histoire, que l'auteur a écrit cette nouvelle.
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