PRÉMISSES D'UNE AUTRE PENSÉE

 Personne ne voit parfaitement ce qui se passe aujourd’hui. Pas un économiste, pas un élu, pas un philosophe, aucun parti politique. Chacun semble en butte avec l’acquis. C’est donc que cet acquis pose en soi un problème existentiel. Toute économie politique recommence toujours en fait dans la rue, en continuité avec le sort fait au travail et au capital, au faire et à l’avoir, à la pensée et au dire. Un chant de liberté reviendra à l’esprit des citoyens, se modulant à des refrains convergents, tous portés vers une solution nécessaire. Car il est immense le problème du service public, de la "Sécu", qui perpétue des modèles réduits de régime socialiste plus incompatibles que jamais au sein d’un système capitaliste en décadence. Protestation montera d’un commun inconscient à la conscience individuelle, après moult rêves et désespoirs, comme se forme la vision sur un écran et que ronronne l’ordinateur. Une autre image commencera à se dessiner derrière des fronts. Elle est encore floue et instable...

Car l’économie de marché se caractérise, en cette fin de millénaire, par un état d’entropie croissante de la complexion travail-capital, dont le chômage apparaît en sorte comme le signal d’alerte le mieux visible d'une dégradation de la valeur marchande en tant que dénominateur commun d’un quantum de travail, d’offres, de demandes, de suffrages. Le terme de « crise » n’est qu’un euphémisme pour faire référence à un système qui échappe à l’homme pourtant responsable !

Cependant le système pose seulement le côté visible du problème, le seul abordable. Or le vrai côté n’arrive même point aux prunelles de l’oeil droit et apparaît encore loin à l’horizon de l’oeil gauche.

Chacun tente d’évacuer ou de bricoler des effets, faute d’en identifier la cause qui n’est donc absolument pas entendue !

Alors, malgré tout ce qu’observe justement tel capitaine d’entreprise, le problème demeure. «Courage, nous coulons!» s’écrie-t-il, puisque muni d’une bouée de sauvetage et sachant nager, lui. Comment se fait-il qu’il ait cependant l’air d’avoir peur ? Il souhaite simplement transborder ses charges sur le vaisseau national.

Si la "Sécu" a un trou, celui de la flotte appartenant à l’Etat est encore plus gros. C’est la révolution bourgeoise née en France il y a deux siècles qui sombre, après avoir pollué le monde entier avec sa démocratie électoraliste qui constitue l’antichambre d’un marché totalitaire. La révolution des pauvres date de Spartacus. Depuis, celle-ci n’a connu que des échecs, dont la Commune, le socialisme d’Etat...Ici ou là des citoyens finissent toujours par émettre une idée intéressante. Seulement, la plupart des propositions ne passent pas parce qu’il faudrait d’abord mettre la démocratie à l’endroit avant de pouvoir donner la parole « socratique » aux gens. Comment ?

Il s’agirait de l’obligation de publier largement toute idée caractérisée comme neuve et inconnue. Droit qui resterait à définir auparavant, n’en déplaise à tel haut personnage qui s’achète avec nos écus une page de tous les journaux de France, pour publier des idées déjà connues et contestées, elles : publicité commerciale, avec notre argent. Ce n’est là qu’un des exemples de l’usage particulier et accapareur de la démocratie de marché qui octroie le pouvoir clanique représentatif d’une majorité de voix généralement conservatrices, forçant la minorité à descendre dans la rue pour s’exprimer. Inique, révoltant, et belle solidarité en même temps !

Le dernier acte du dernier roi de France fut de demander à tous les sujets du pays de remplir des «cahiers de doléances». Sachant qu’il ne risquait rien, vu que ces paysans ne savaient ni déchiffrer ni rédiger à cette époque. Mais de nos jours, les descendants de ces manants savent lire, écrire et voir aussi les choses entre quatre murs et sur deux, voire trois dimensions virtuelles : ils devraient pour le moins pouvoir être entendus, même si ni télévisés ni écoutés, non !?

Dont voici quelque revendication en hors d’oeuvre : Lancer une campagne de « mandats de raison » dans la presse, permettant à tout citoyen qui en manifeste le désir de s’exprimer librement et gratuitement dans son journal. Les lecteurs tentés savent cependant comment on traite leur lettre; et si elle paraît, ils s’attendent à lire les passages intéressants en petits points entre parenthèses. Mais faisons simplement le voeu d’être enfin pris au mot et que toute nouveauté non encore publique et/ou toute idée caractérisée non manifestement évidente, soit prise en considération. En effet si le « mandat » en question comportait une chose trop connue, celle-ci prendrait le risque d’être caduque aux yeux d’une majorité de lecteurs ou ferait déjà en soi une vieillerie.

Que l’on ne vienne pas dire que les lois du marché représentées par l’actuelle démocratie s’identifient aux lois de la nature, ou à celles de la logique, que l’institution économique est d’ordre raisonnable, ou que l’on ne peut rien y changer car chose politiquement immuable, structurellement intouchable ! Cette jungle inhumaine est, en vérité, perpétuée par des conventions imposées au peuple, encadrées par une démocratie formant filtre, donnant à croire que les choix sont ceux de citoyens libres. Alors qu’ordre et échange restent archaïques, en mesure d’être dépassés parce qu’obsolètes.

L’existence des hommes n’est plus générée mais avortée, des familles se déchirent par jalousie, envie non assouvie; des jeunes n’ont en vue que de déposséder des « vieux » qui ne meurent plus, en raison des bienfaits de la Sécu. Nous disposons d’un système économique congelé et réchauffé, avec des entreprises et des familles endettées, des sociétés anonymes et officielles à découvert, sans parler des SDF et autres exclus, acculés à l’avidité dans un contexte de concurrence et de compétition commerciales indignes pour la morale et aberrantes pour la raison.

L’on pourrait, sur la lancée d’un téléthon particulier, en créer un d’un genre général, pour le financement de la "Sécu" et de l’Etat, de telle sorte que les citoyens ne soient plus imposés mais libres de l’emploi à faire de leur argent, à destination d’un service public restauré - et non démantelé. Avant d’en arriver à la gratuité de tous les besoins élémentaires : pain, santé, études, justice, toit, transport, chauffage, éclairage,...But aujourd’hui crédible, cause possible, idéal incontestable !

Si la France passe aux lasers pour éclairer l’horizon, en abandonnant les vieux phares, il faut assurément que la force de travail qui alimentait ceux-ci, que les idées qui les orientaient, rayonnent sur des objectifs nouveaux et visibles pour les générations du troisième millénaire.

Vienne le temps où tout citoyen pourra libérer sa pensée, en la posant sur une table servant à définir d’authentiques valeurs.

1 9 9 5 - validité permanente, depuis fin de siècle.

 

 

 

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