Je suis né à Strasbourg en 1931. Mère sappelait Marie Madeleine Winterhalter et père sappelait Joseph Wittmann. Couple prédestiné,...Car les Winterhalter étaient restés marqués par la colonisation romaine et ils adoptèrent la religion catholique. Leur capacité dobéissance à lordre établi fut telle quelle les suivit dune génération à lautre. Ils transmirent même cet asservissement en leurs génomes successifs, exprimant cette mythomanie rendant innés des acquis plus ou moins heureux. Tel le sens artistique rejailli en la main dun peintre célèbre qui se faisait entretenir par des reines sensibles à son talent - sensibilité héritée. Quant à ma grand-mère paternelle, elle avait dû être une femme tellement originale quelle dut souffrir beaucoup de ne pouvoir sadapter à la vie des autres. Aujourdhui je comprends pourquoi cette grand-mère là paraissait antipathique, puisque je la découvre également un peu restée en moi-même. Qualités et défauts nous marquent ainsi chacun, en nos gènes et notre inconscient, avec lexpérience de la vie pour les vérifier ou les corriger et puis, léternité pour les expier. Les Wittmann étaient donc restés, eux, des païens et des proscrits mais non sans raison - quil me fallut redécouvrir à travers moi-même. Ils sétaient réfugiés dans un de ces ghettos dont il subsiste les murs sur les hauteurs des Vosges. Pendant que les soumis apprirent à cultiver la vigne en bas, des milliers dinsoumis gaulois continuèrent à chasser tout en haut de la montagne. Père minitia une fois, dans un petit ried de Balbronn au pied de ces Vosges, en ce village natal de ma mère, au lancer de la sagaie gauloise, à la manière dune fronde. Je navais que cinq ans et je me souviens encore quil éminça au couteau un bout de bois en pointe plate. Puis après avoir attaché une ficelle à la branche coupée dun saule et formé un noeud à lautre bout quil passa dans une écorchure de lobjet, il le lança si haut dans le ciel que je ne le vis plus. Ceci me paraîtra quelque chose de stupéfiant pour un homme de ce siècle, car père était autant à la pointe de la modernité technique que le constructeur dautomobiles Bugatti; il en possédait une. Pour ne pas perdre le fil de mon histoire, je vous emmène entre parenthèses deux décennies plus tard. Je fis à cette époque de ma jeunesse un tour dans le Massif Central et visitai les grottes de notre Préhistoire. Je découvris avec stupéfaction dans un musée sous roche un objet ressemblant à la sagaie...de mon père. La lance primitive et authentique datait dil y a plus de 10000 ans et elle avait été confectionnée en bois de renne. Père avait essayé diverses façons légitimes et honnêtes de gagner sa vie. Mais il ne finissait jamais rien. A ma naissance nous habitions Molsheim. Nous étions en location commerciale, mère tenait le magasin, moi jétais en nourrice, père allait aux provisions avec sa Bugatti. Un jour - je devais avoir moins dun an - je glissai des genoux de ma mère au passage à niveau près de la gare et tombai par terre en heurtant la voie ferrée avec la tête. Rien
de bien méchant. Apparemment du moins. Second signe daccompagnement,
précurseur, ignoré en tout cas. Jétais
tel un fils de Dieu, comme lun de ses protégés,
de ses chargés de mission en linconscient inconnu
du peuple des humains connus. Jétais même
de ceux qui ne croyaient pas en Dieu. Je venais en fait de subir
le baptême du fer en entrée dans la vie. Jallais,
peu à peu, de pressentiments en prodiges, devoir mapercevoir
dune prédétermination. A la fin des grandes grèves de 36, mon père avait dû sexpatrier dAlsace, pour cause dactivité syndicale. Il était redevenu un salarié, avait dû vendre sa Bugatti, avait dû partir de son propre pays comme un étranger, pour trouver à gagner sa vie, abandonnant femme et enfant. Il sinstalla dabord à Knutange, à proximité des usines sidérurgiques lorraines, en vallée de Fensch, lesquelles embauchaient. Il nous fit venir par la suite, dès quil trouva un logement de famille à Uckange. Cétait dans une grande maison sinistre, occupée uniquement par des émigrants. Nous apprîmes à connaître une famille polonaise voisine qui sympathisa avec ces Alsaciens; et je commençai dès mon plus jeune âge à découvrir la solidarité naturelle de ceux qui subissent la même condition de vie. Lun des grands fils de cette famille de prolétaires mapprit à jouer à la toupie dans la cour située juste au pied des écrasants haut-fourneaux, auprès desquels ce garçon trouva une mort atroce, bien plus tard, en tombant dans une poche de fonte en fusion. Père avait quelque six kilomètres à marcher pour prendre un train privé des Ets de Wendel, depuis Daspich. Il se levait vers trois heures chaque matin. En passant à Ebange, il trouva vite un autre logis. Nous déménageâmes trois fois dans ce dernier village, mais père sétait de beaucoup rapproché du petit train à vapeur...Nous disposions de si peu de biens qu'une charrette à bras suffisait en trois quatre voyages. Notre dernière demeure se situa à l'intersection de la rue de Florange. Nous y avons séjourné les années de guerre. Javais alors entre huit et treize ans. Père dut se sentir « protégé ». Les nazis avaient loeil sur les nouveaux annexés, surtout sur ceux au nom à connotation germanique. Mais père refusait toute avance et même jouait de son nom et de ses services sous le Kaiser en 14-18 en Argonne pour avoir la paix. Il en profitait pour écouter radio Londres...Sur de vieilles cartes dépoque, je découvris après la libération les villes soulignées par lui, au fur et à mesure de lavance américaine.
Dire quil y a à peine un demi siècle, les ouvriers étaient réduits à se laver à lévier de la cuisine, les femmes à laver le linge de leurs mains, à leau froide. Père avait économisé et offert une machine à coudre avec pédalier à ma mère qui en était fière. Moi je me contentai de jouets en bois, de crayons de couleurs; puis vers lâge de douze ans, père me procura des boîtes de mécano. Il avait remarqué mes aptitudes à dessiner, à créer; la précarité me fit rester au... mécano. Nous disposions dun tout petit bout de terrain derrière la maison, en demi location. Père y avait construit une cabane à lapins et à canards. Il avait loué à plus dun kilomètre un pré quil allait faucher, toujours accompagné de maman et du petit Marcel revenant assis tout en haut du tas de foin. Nous disposions dun autre terrain à Daspich, en vallée de la Fensch, où mes parents plantaient de tout, y compris des pommes de terre et du blé. Pas de repos si lon voulait manger en temps de guerre. Père faisait les « trois huit » et il avait donc toujours une demi journée de libre. Je devais souvent suivre mes parents mais leur faussais compagnie une fois au champ. Nous battions notre blé au fléau, les épis préalablement mis en sac dans la cave et faisions ensuite du « marché noir » avec le meunier du village qui nous procurait la farine. Une fois je vis venir deux Ukrainiennes, que père avait recrutées à lusine. Elles venaient dun camp de travail réservé à ces femmes déportées. Elles nous aidèrent à battre ce blé qui nous paraissait aussi précieux que leurs cheveux restés dor. Ce fut un gai dimanche où ces deux jeunes femmes mangèrent du lapin et des pâtes faites maison, à notre table. Le vécu de cette enfance fut ainsi aussi riche dévénements heureux que de malheureux. Jétais un gamin insouciant pour lequel cette guerre devenait un jeu exaltant: avions qui sillonnent le ciel en vagues successives et quotidiennes, surtout en 43, bombardements, ... Une autre fois, c'était une « forteresse volante » touchée et qui, avant de sabattre, lâcha sa charge dans les jardins de notre village, des bombes au phosphore de 500 kgs. Lune tomba à 15-20 mètres de moi qui m'étais étendu le long d'un muret de jardin. Elle nexplosa pas, comme par miracle. Et de trois..., déjà. Pendant quun tapis de bombes sétait déployé simultanément autour de la proche cimenterie, lune obstrua lentrée dun abri dans lequel nombre dhabitants sétaient réfugiés pour...y périr. Dailleurs, nous les "gosses" nétions pas loin, comptant les grosses bombes qui tombaient, bien visibles. Juste avant que le jour devînt sombre et que le souffle secouant lair fît trembler les murs et le sol. La peur, pour la première fois, mavait fait me relever de terre, emportant serrée dans chaque main la touffe dherbe à laquelle je métais agrippé auprès de ce muret. Notre demeure était toute proche du lieu où je métais allongé. Je rentrai indemne. Sans me soucier de la suite.... Les prodiges allaient se poursuivre. Plusieurs de ces bombes avaient été larguées en file, comme des grains de semis, par le bombardier en perdition. Deux seulement explosèrent en jardins à larrière de maisons, formant des entonnoirs dune dizaine de mètres denvergure et de profondeur. Ma bombe... est sans doute toujours au fond de son trou en forme de clairon tordu à lhorizontale, à plusieurs mètres de la surface et qui na donc pas servi à sonner la mort. Quelques mois après cet événement, une entreprise fut chargée par les Allemands dextraire les bombes accessibles. Celle-ci abandonna vite un premier essai, mais réussit à sortir de terre lune de ces bombes. Comme elle ne put être chargée sur un camion, elle fut attachée derrière et traînée lentement sur la route. Je vois encore la situation. Père assistait au passage du camion et de la bombe. Fort de ses expériences à la première guerre mondiale, il émit lavis quils niraient pas loin de cette façon avec cet engin. Léquipage, à découvert sur le camion, buvait et chantait. Nous enfants, quelques badauds et chiens, suivîmes ce périlleux cortège. Deux copains rappelèrent que nous devions à ce moment aller au catéchisme. Moi qui ny allais jamais, je partis avec eux ce jour-là - et je sais aujourdhui seulement pourquoi. A peine assis sur les bancs dans léglise de Florange, nous entendîmes une forte explosion. Quoique distante de plus de deux kilomètres, elle fit trembler les vitraux. Nous comprîmes quil devait sagir de la bombe et en informâmes le prêtre qui partit aussitôt vers Daspich avec nous courant derrière sa bicyclette. Le
spectacle en plein centre commercial de ce bourg était
effrayant. La bombe avait explosé en touchant la voie
en fer du tramway. Le camion nexistait plus. Les proches
façades avaient été touchées par
du phosphore et brûlaient. Tous les passants à proximité
étaient déjà calcinés à notre
arrivée, noircis, rapetissés, méconnaissables.
Je vois encore une mère avec une poussette et son enfant
carbonisés, réduits à létat
de momies et de tubes de fer tordus; des personnes courir dans
leurs vêtements enfumés. Il y eut de nombreuses
victimes et nous des... miraculés. Ce nétait
pour moi que le cinquième prodige et point encore le dernier.
Mais je nen fus alors nullement conscient, trop préoccupé
à apprendre à connaître des choses, à
aspirer lair frais de la vie en prévision den
prolonger le souffle initial. Jétais encore si proche
de mon premier cri.
La guerre tirait sur sa fin. Père et mère espéraient la paix. Chaque année au mois de mai, nous partions traditionnellement de bon matin à pied dans la grande forêt de Moyeuvre, en enjambant le raccourci du Justemont. Nous rentrions le soir tard, fourbus mais heureux, avec du muguet et de nombreux bouquets daspérules des bois. Mère en préparait une délicieuse liqueur. Recette : quelques brins, en alsacien du «Waldmeister» (le maître des forêts), trempés une nuit dans du vin sucré - et père faisait sécher le restant de cette plante odoriférante pour la fumer dans ses pipes. Dautres fois, nous les gamins allions grappiller des cerises à Fameck, là où leurs noyaux avaient pris racine en terre couleur de fer. Ce mont reste un filon riche en minerai, après la mise à larrêt des bennes de convoyage téléphérique vers les hauts-fourneaux dUckange. Le Justemont donnait sur la vallée de la Moselle et, à moi, den haut sa vision me poussait à aller voir la ... rivière. La
famille de Wendel, propriétaire de mines de fer, de haut-fourneaux,
de laminoirs, de fonderies, dateliers de métallurgie,
de toute une sidérurgie avec ses crassiers flamboyants
de scories du fer, de la rivière Fensch brunie de rouille,
de canaux, de bois, de châteaux, de terrains, de cités
ressemblant à des barres de fer carré, du haut
pays de Moselle presquen entier. Elle logeait Italiens,
Polonais, eux surtout, en cette période davant-guerre.
Toute une région donc sous couvaison, sous protection.
Aucun risque, surtout dêtre bombardés. Je témoigne que durant ces quatre années de guerre mon père fut à labri comme personne lorsquil était à son travail en ces usines sidérurgiques rebaptisées Hermann Goering Werke. Le seul bombardement opéré fut celui de la dite « halle » située à Daspich. Usine en laquelle les Allemands fabriquaient tranquillement des grenades. La plupart des bombes manquèrent dailleurs leur objectif, la cimenterie dà côté incluse, mais non cet abri bondé de civils - et dont jai eu à évoquer la tragédie plus haut. La « halle » fut rasée après la guerre et lon y construisit à la place le premier laminoir à froid de la devenue célèbre Sollac. Les anciens haut-fourneaux de Thionville et dUckange, près de rive de la Moselle, coulèrent également des tonnes de fonte pour les besoins du « Reich », comme d'autres sur rive de Fensch et dOrne. A part quelques raids ciblés sur des trains au repos en voie de triage et une attaque spectaculaire de ce type davion en piqué sur le fort dIllange, proche de lautre berge de la Moselle, les habitants de la rive industrielle navaient été arrosés que deau bénite, sinon d'accidents.... La politique américaine de destruction calculée - par intérêt mercantile des villes populaires allemandes, et de préservation des industries de lacier - sétait ainsi déjà révélée à nos yeux de gamins. N'avions-nous pas vu son armée semployer vite à reboucher les immenses trous de bombes qui avaient manqué la « halle », avec des surplus de produits dusage ? - car nous les déterrions la nuit venue. Le Plan Marshall était bien prévu pour permettre la relance de léconomie capitaliste, c'est-à-dire la soumission définitive du peuple allemand, puis de tous les peuples européens. Mais venons-en à lapproche de la Libération : août-septembre 44. Une patrouille de chars américains descendit la longue artère passant par Hayange jusquà Thionville. La rumeur libératrice les suivit mais ne se concrétisa point. Cela fit seulement s'enfuir des collaborateurs et quelques soldats de la Wehrmacht. Un long train de marchandises se trouvait bloqué entre Ebange et Uckange. Il était rempli de divers produits fabriqués en France et donc volés, dont de la nourriture. Les proches villageois finirent par repérer le convoi et à en faire leur butin (Action alors couverte par la Résistance). Nous, les gamins, étions parmi les premiers à fouiller quelques wagons. Père nétait dabord pas disposé à participer à cette opération. Puis la rumeur se répandit : il y avait abondance de sucre et autres victuailles. Mes parents finirent par y aller au bout de quelques jours dhésitation. Forte réticence du père. Cétait un dimanche. Moi jy étais allé à part avec les copains, en un autre bout du train. Et cest alors que la population fut soumise à un tir de mitrailleuse, sans sommation. Il y avait beaucoup de monde qui courait dans les champs. Je ne vis pas mes parents. Mère rentra la nuit, seule à la maison. On trouva mon père avec quelques dizaines dautres victimes, le lendemain. Père semblait navoir quun petit trou dans la nuque, comme je dus en faire le constat à lâge de treize ans. Il aurait subi un tir de grâce à bout portant. Il ne saignait point. Aucun prodige ne sétait donc accompli en ce jour, du moins je nen fus pas averti cette fois-là. Jai toutefois gardé le sentiment de la présence virtuelle de mon père, tant quil me manqua en la réalité suivante de vie. Les Allemands étaient partis, les Américains pas encore venus. Il y eut "L'offensive de Von Rundstedt". Le corps de mon père ne pouvait pas être enseveli, car des Allemands étaient revenus et voulurent évacuer la population. Mère et moi prîmes la route, suivîment un cortège avec notre charrette à bras remplie d'un strict nécessaire (Mère courage...). Après quelques kilomètres, l'ordre vint de retouner en nos foyers. La Libération fut ensuite aussi "drôle"...Plus tard, un pasteur-paysan dEbange soccupa des démarches administratives pour ma mère. Dieu me semblait savoir reconnaître les siens, ceux qui navaient jamais cru quau ciel cosmologique (ainsi que mon père), mêlés à ceux qui croyaient à sa divinité. Comme seule la terre de nos champs peut se souvenir de la fatigue des pieds de soldats inconnus. Les Américains stationnèrent environ un mois en rive gauche de la Moselle. Les Allemands tinrent celle d'en face, nous envoyant chaque nuit quelques obus, depuis le fort d'Illange... Les soldats américains sennuyaient et gavaient la population. Quelques-uns logèrent dans notre maison. Mère leur lavait le linge. Ils
dormaient dans une partie de la grande cave, et nous dans une
autre. Des boys très corrects. Nous entendions les tirs
nocturnes, tant des proches batteries américaines que
des allemandes lointaines. Le sifflement des obus nous permettait
de localiser la distance dimpact. Jusquà cette
nuit où le coup sembla avoir avorté, car nous nentendîmes
rien passer par-dessus ni rien sauter au loin, mais une terrible
et proche explosion. Lobus de gros calibre était
tombé derrière notre cabane à lapins. Les
éclats lavaient transpercée, d'autres les
murs de la maison, pour entrer dans le plafond de notre chambre.
Personne ne nous avait dit de coucher dans la cave. Les voisins
dormaient.sans crainte dans leur lit. Nous, nous imitions simplement
les soldats...Chance, ou ... ? Passons.
Arrive fin décembre de la même
année. Lhiver débouche brusquement. Le thermomètre
descend à moins dix en une nuit et il continuera de chuter.
Je nai pas terminé la mise en hivernage dappareils
plongés en eau qui a gelé. Je décide de
percer une paroi pour soulager la pression de cette glace à
lintérieur dun puits en PVC. Ma position de
travail est inconfortable et puis le foret narrive pas
à pénétrer la paroi, malgré la douceur
de la matière plastique. La contre-pression fait obstacle.
Je dois effectuer un effort, comme sil sagissait
de percer de lacier. Il fait très froid. Je suis
bien habillé et jai chaud. Je marrête,
ressentant un début d'évanouissement. Mon esprit
me suggère de rentrer dans la maison. Je monte deux escaliers,
deux étages, sans problème, m'allonge sur le lit.
Une sensation de chaleur subsiste en ma tête. Je pressens
la gravité de mon cas et fais appeler le médecin.
Je reste conscient mais deviens anxieux, car je commence à
trembler des jambes. Le médecin me demande de me lever.
Je descends du lit, et mon corps sécroule sur ses
quatre membres pantelants, de mannequin désarticulé.
Lattaque cérébrale ne me surprend pas. Je
my attendais...
Je vais tenir compte
de seulement sept prodiges qui méritent à présent
quelque explication. En apparence la raison ne semble pas entrer
en cause. Elle en sort pourtant, mais tel qu'effet qui rétroagit,
répond à la cause. Je trouve la raison de circonstances
évoquées, sans l'avoir cherchée. Et c'est
toujours la même : un avertissement intime. L'expliquer
autrement, ce serait faire référence à de
l'irrationnel ou, alors, à du rationnel pur et donc seulement
à des choses matérielles, dépourvues de
spirituel, à du corporel amputé de la pensée,
manquant de souffle. Non, la raison, selon moi, ne se limite
point à cette objectivité concrète. La raison
n'a pas encore acquis de définition scientifique, alors
qu'elle réalise le support de l'esprit scientifique, qu'elle
incarne une logique évidente - unique. Conscience, pensée, imagination, raison, esprit, sentiment, mémoire, on en connaît les modes dexpression, le support fonctionnel, neurologique, localisé dans le cerveau humain. Mais lon ignore leur réalité physique. Le "comment ça marche" et le pourquoi de ces facultés. Les hypothèses à leur sujet restent insatisfaisantes. Leur interprétation idéaliste ne manque pas. Normal puisque la raison nintègre point limagination créatrice, se limitant donc à la logique formelle, à lobjectivité matérialiste, au scientifiquement correct, au subjectivement manifestement évident. Ainsi commençons par revendiquer le "non manifestement évident", le droit démettre lhypothèse utopique, comprenant la notion de devenir, daction en cours daffirmation, de dialectique. Nous utiliserons alors des catégories du mouvement : le processus, lunité des contraires, la cybernétique, la relativité, la physique quantique. Je vais préciser ma pensée. Premier constat à propos de "mes" prodiges : ils ont un caractère d'avertissement. Deuxième constat : ils annoncent un danger imminent mais évitable. Troisième constat : ils sont infus, implicites, mais semblent vouloir déterminer de l'explicite, une diffusion. Tout se passe "comme s'il s'agissait d' un message...". Les prodiges en question suscitent en fait, maintenant, des réponses à des problèmes posés, évités - qui devaient être évités et le furent. Pourquoi ?
Partons de la cosmologie, dune phylogenèse, pour aboutir à une ontogenèse. De lespèce à lindividu.... Nous savons que l'Univers est rempli de galaxies, que chaque galaxie est composée de milliards détoiles. Que la Galaxie dont fait partie notre Soleil est un monde à part, séparé des autres galaxies, lesquelles sont donc autant de mondes. Et si nous ajoutons que les étoiles sont entourées de planètes, lesquelles ont une évolution caractérisée de matière en transformation, il serait fastidieux de se représenter le sens, le but, et létat actuel, passé et futur, de ces différents astres. Les plus puissants ordinateurs ne rendraient pas compte des histoires individuelles infinies existant dans ce super univers. Point nest besoin de recourir à la loi des probabilités concernant la présence de vie, pas même en réduisant son existence au milliardième des cas favorables. Ici la notion de « bon sens » prend une valeur absolue, disqualifiant la chance et le hasard, qualifiant la nécessité certaine, souveraine, et le déterminisme probable en considération de la Vie. Dieu devient un nom évocable, discutable, pour le plus critique des athées ou des cartésiens. Celui que je suis. Si donc Dieu devient possible, il faut se le représenter en qualité détat desprit dune civilisation extrêmement évoluée caractérisant une planète dun système gravitaire intergalactique. Les êtres de ce monde auraient acquis limmortalité grâce à leurs connaisances, leur capacité de communication par la physique quantique, peut-être avec les neutrinos, particules élémentaires sans masse dont la vitesse de déplacement dépasse celle de la lumière. La maîtrise de ce moyen donnerait le pouvoir de compression du temps et du dédoublement de lespace concernant ces particules et permettant linteraction circonstancielle avec tel cerveau humain, en certaines conditions. Lon peut alors sérieusement envisager la possible relation entre la vie terrestre et celle dun autre monde, ceci depuis toujours et peut-être encore maintenant. Partons de cette hypothèse - non religieuse -, donc simplement dune histoire probable, possible, et efforçons-nous de lexpliquer par la raison.
Reportons-nous loin en arrière. La Vie n'existe pas encore sur Terre, seulement sont apparues des conditions physiques favorables. Elle existe alors déjà ailleurs, sur d'autres terres, de stade plus ou moins évolué, probablement quelque part même très en avance comme en d'autres lieux seulement à l'état primaire. La Vie est de nature universelle, au même titre que la matière. Dieu - qui représente l'Esprit d'êtres à notre image - intervient. Car l'Esprit est également une caractéristique de la nature, précisément le degré suprême de cette universalité. Il (ils) - Dieu - crée de la vie sur notre planète ou agit de sorte qu'elle arrive avec assistance, ce de façon déterminée puisque conditionnée par un état planétaire favorable. N'est-ce pas ce que suggère luniversel code génétique existant aujourdhui - donc préexistant - aussi bien dans le règne végétal quanimal? Ce code, par son caractère identique et unique de principe, simple dans sa structure logique, ne peut quavoir suivi une pensée intelligente - et non lavoir précédée. Et ceci surtout par le fait quil sagit dun langage physico-chimique dont la complexité laisse supposer être le résultat dun « achèvement » et non faire fonction dun « commencement », ceci au regard de la théorie de l'évolution. Or cette théorie, juste en considération de la durée, du temps nécessaire à l'élaboration de la perfection, ne peut donc pas prévaloir, puisque le départ du vivant devrait par principe être de constitution élémentaire et non point supérieure. Et le code génétique apparaît bien qualitativement d'ordre supérieur. En fait, la création n'est nullement contradictoire avec l'évolution. Seul le « créationnisme » biblique na point sa place ici. Lexpérimentation scientifique non plus. Nous sommes au coeur dune imagination créatrice objective - non pas fantastique ni fantaisiste, non plus littéraire ou philosophique mais... matérialisante ! La suite nous croyons la connaître. Limportant suppose une prédétermination, par du prévu caché dans ce code hélicoïdal de l'ADN. Afin que les créatures vivantes successives prennent une certaine direction, tout en restant libres. Ce qui fait quil ny aura point dantagonisme entre linné et lacquis. Ce sera lévolution complémentaire, sorientant naturellement, sans dirigisme - sans Dieu. Du moins pendant des centaines de millions dannées. Jusquau moment où un anthropoïde se transforma en lhomme qui, aussi consécutivement, imagina Dieu, devint apte à penser comme lui, ou à ressentir sa présence par personne interposée. Et puis cet homme finira par recréer Dieu, au travers de son genre, mais non plus selon son visage. Comme voulu au départ. Daprès sa pensée, à limage de sa raison. Ce sera une matérialisation de lesprit, via la science et la technologie. Lère du robot commençant, son créateur laccompagnant, sans plus de vénération, le comprenant enfin ! Chacun peut-être ici bas, du moins certains cerveaux, quelques esprits prédisposés, forment autant de chargés de mission. Ils ne le savent pas, ou n'en ont quun pressentiment, celui d'une sorte de sainteté virtuelle ou potentielle. Dautres, ne ressentant point la « foi », ne font guère attention à ce qui leur arrive opportunément en bien. Ils ne pensent pas avoir échappé à un mal, ni surtout davoir pu être sauvés. Ils croient au hasard, à la chance et, dans ce dernier cas, ils veulent surtout que ce qui leur arrive ne passe pas pour superstition. Cest tout.
Lintervenant ne peut pas se démasquer. Pas encore. Mais il semble nous conduire à le faire. Et même de plus en plus vite. Comme sil était pressé darriver à sa fin. On pourrait même le comprendre.Un fils de Dieu navait-il pas déjà prévenu, il y a deux mille ans, disant « comprenne qui pourra » ? Car personne ne le pouvait, sinon un seul, en ce temps-là. Mais tout resta à prouver, à démontrer, à le pouvoir. Enfin « le temps est proche »; en tout cas maintenant le manifeste de Dieu sapproche !... Bien entendu, si celui-ci existe. Nul ne peut y croire. Moi non plus sous le mode mythique, déiste, religieux. Dieu, créateur de la Vie, sil y a lieu, ne peut être quune créature spirituelle partant de matière, faite de chair, et sans doute même éternisé sous forme de robot pensant, conscient, intelligent, puissant, érudit et sagace, se prolongeant ainsi immortalisé dans son oeuvre, prêt au rayonnement universel. De lesprit transformé à ce point (en particules quantiques) ou de la matière transformée en esprit (en champ quantique). Impossible, ou du moins plus que difficile, de se représenter le « pur esprit ». Matière et esprit sont inséparables, primes amoureux de lUnivers, marquant des cellules génératrices de la Vie. Lautodynamisme de lévolution conduit nécessairement à Dieu, lequel est donc incarnation de la raison au coeur de la pensée, synthèse dopinions, idée lumineuse, connaissance finie. Unique et suprême intelligence dans notre Galaxie, ou/et peut-être au fin fond dUnivers. Au pouvoir relatif, non absolu, seulement créateur de « commencements », dans le cours d'une évolution. Création circonstancielle et brève par rapport à lévolution consécutive dans la durée. La première organisée, logique, ordonnée, déterminée; la seconde libre, dialectique, conditionnelle. Quand Dieu est esprit, sa raison se module de pensée à un rayonnement électromagnétique ou autre onde, en modulation damplitude ou de fréquence, en continu ou de manière discontinue, probablement réduite à un langage de nature quantique. La physique enseigne aujourd'hui que tout ceci apparaît de façon ni pondérable ni visible par nos sens directement, mais est techniquement détectable en qualité de matière faite de corpuscules. Lesprit est de caractère ondulatoire, la matière est de caractère ponctuel. Ce sont là deux aspects qui apparaissent irréductibles lun par rapport à lautre, indépendants et unis pourtant ! Lon peut comprendre aujourdhui, par la logique et la science, ce quautrefois lon entrevoyait seulement par limagination et la croyance religieuse. Cela va de l'âge des incertitudes à l'heure de la certitude. Avec le risque que comporte cette certitude : une prise de conscience qui nagit point en conséquence. Une réaction venant trop tard. Le laisser faire jusquà mourir dinaction. Comme une fatalité. Le suicide collectif par défaillance de la pensée, la dégradation de sa raison ... Lon peut aussi dire quen premier lieu et temps, lesprit nous vint; quen second lieu et temps, lesprit déjà commence à nous quitter. Après cette conscience dêtre, vint la conscience de pouvoir et de connaître. Scientifiquement. Pas toujours sagement. Pas encore raisonnablement. A petits pas. Il y eut métamorphose... Lhomme partant en éphémère, une nuit. Court sera le jour. Notre vol diurne dans la lumière maintenant peut-être sachève. Sommes pressés...Oui, regardez donc, lallure des découvertes scientifiques et des applications technologiques !... Avec quelle hâte, course au profit financier aidant ! La croissance matérielle motivée par un rendement immatériel. La production de biens dédoublée par la production du mal : largent. La pensée de Dieu a sans doute sa raison qui pointe....Faut-il en frémir, attendre, ou en rire ? Frémir... Oui. Attendre quoi ? En rire plutôt quen pleurer. Sans doute. Quoi dautre ? Mais penser à créer, à inventer un meilleur monde ! ...
Jarrête là...Ma pensée aura, pour lessentiel, accompli la mission de la raison. Oeuvre de ....Dieu ? On verra.... Dautres prodiges, mais de moins en moins, finiront par montrer doù nous venons, vers quoi nous allons, ce que nous devenons. Après le besoin davoir. A la suite du plaisir de faire. Par le désir daimer. Avec la joie de comprendre. Dieu se découvrira en se perpétuant à travers lhomme qui transmettra, en bout de savoir, à son tour, la logique de la vie, ailleurs, sur différentes planètes, auprès dautres soleils.
Marcel Wittmann - 1 9 9 7 « Comprenne qui pourra » |