UNE TABLE A VALEUR

 L’histoire des civilisations est une lutte pour des droits. L’application des droits acquis se confronte à la valeur d’échange attribuée aux produits de l’activité économique et des services de l’activité sociale. Ce marché constitue un jeu dont la règle est maligne et l’arbitrage une fausse démocratie. Tous les rapports existentiels se soumettent, en effet, à cette convention empirique dite “loi de la valeur”, ne reposant de force et par intérêt que sur des quantités abstraites de travail, d’argent, de suffrages.

Maintenant, l’infernal jeu marchand brûle l’esprit des hommes. A quoi sert, en cette fournaise rentabiliste, compétitive, le droit formel au travail, quand le mode de production et des échanges existants ne permet pas de le satisfaire socialement ? A quoi sert le droit formel d’expression, quand la démocratie en vigueur ne permet pas de le satisfaire individuellement ? Il s’agit de l’absence totale de garantie d’emploi et du pouvoir effectif de communication des simples citoyens.

Les droits de l’homme d’aujourd’hui sont pleinement assujettis à l’ubiquité d’une valeur archaïque. Cette valeur marchande perdure dans l’intérêt de privilégiés de la richesse vénale et d’un pouvoir politique de classe. Quel qu’en soit d’ailleurs le parti qui dirige ou le genre de sophisme qui le guide. Partout sous dirigisme et par suivisme, de droite à gauche, tout le monde se croit en démocratie, mais ce n’est que l’antichambre d’un capitalisme rendu totalitaire. Alors, adepte de ce mythe moderne, chacun vote pour des remèdes qui ne font que perpétuer du mal.

L’histoire des hommes exigera demain un combat en vue de la constitution de valeurs idéales pour l’économie et pour la démocratie; et ces valeurs impliqueront encore une autre épreuve, de revendication simultanée : la lutte pour la constitution d’une “raison impersonnelle” capable de mettre un frein aux jeux d’orgueil de l’individu, aux rapports d’intérêts personnels, dont le procès bourgeoisement démocratisé aura seulement servi à conquérir d’élémentaires droits formels. L’humanité, alors peut-être, pourra s’affirmer sous l’égide du droit, de la valeur, de la raison, existentiellement applicables, en un splendide bouquet de liberté authentique. Pas avant.

Mais supposons, que ces fleurs-là semées, elles ne trouvent pas leur condition de champ fertile, ou nullement la rapidité d’éclosion voulue sur une terre trop tassée par un surnombre de pieds : les graines ne germeront même pas.

Or il se fait tard et les grands nombres - individus qui arrivent, heures de travail qui partent, voix qui s’en moquent, objets qui encombrent - s'accroissent terriblement en ce sens.

Il faut faire vite...

A la table des affaires, des marchands discutent gravement. Leur sérieux dissimule le jeu. Ils vendent et achètent, sachant pertinemment qu’il y a gagnant et perdant. Pas besoin de discours. Ils avancent le bras, tendent la main, signent. Le vendeur se place en tête dans la compétition; l’acheteur, juste derrière, se rattrape ailleurs, étant gagnant sur d’autres concurrents en double file d’attente.

Tous ces affairistes gagnent ensemble sur le salariat dont le nom même désigne d'immuables perdants, car en-deçà de la force de travail il n'y a plus rien, sinon la machine à côté d'elle. L'on joue ainsi entre gens de bonne compagnie et les gains sont toujours remis en jeu pour exploiter le travail salarial.

L'Etat y participe jusqu'au cou, pas au-dessus. Ce sont les grosses entreprises transnationales qui décident du monde. Un Etat est simplement dans le coup, en mettant tous les salariés en boîte, selon la même règle qui sied aux marchandises. Le traitement direct des esprits est devenu inutile. Le traitement moderne des consciences dispose de la technologie médiatique, est assuré d'une parfaite conjuration entre gens d'affaires et politiciens, au moyen de la presse et de la télévision, moyennant rémunération garantissant l'aliénation journalistique. Ces instruments d'émulation de la prébende actionnaire et de l'ordre salarial succèdent au prosélytisme religieux avec de faux airs de liberté. Pire qu'en l'ordre ancien, toute matière grise qui entre en cette école ne répète qu'une leçon, n'en sort que bêtement compétitive.

L'Etat se garde donc de réclamer une éthique économique pour les employeurs, les industriels, les marchands, d'autant qu'il fait le principal percepteur d'argent du travail social. Partant de la corvée du temps des rois à l'impôt sur salaire de nos jours, l'on en est arrivé à ce que l'argent insensible se substitue à un labeur resté par trop sensible. Le féodalisme continue de la sorte, s'aggrave dans l'insidieux par la grâce d'une métamorphose salariale et fiscale. Que ce soit pour le respect du minimum de droits, le maintien de la civilité bien pensante, l'égalité dans la cité des nouveaux riches, un tel Etat ne peut jamais se prétendre exemplaire et sévir intègre avec police, justice, prison, etc. Sa législation au complet, conventionnée y comprise, n'ose toucher à la règle de jeu d'un marché devenu totalitaire, corrompant partout l'homme, le rendant légalement mafieux, et au nom duquel l'on signe à toute table.

 

Aussi la prétendue "loi du marché" qui opère en ce jeu n'a, en fait, rien de naturel ni de normal. Elle échappe d'ailleurs à la logique telle celle des élections, où chacun est obligé de vendre sa tête emportée sous le bras. Peu revient à partir d'un droit, même si durement acquis, ne restant que formellement énoncé. Les salariés doivent le plus souvent recourir à la "manif", à la grève, ou à pire, ne serait-ce que pour avoir accès à la table de jeu. Si encore, quand pourvus d'intelligence, ils pouvaient faire l'économie de ces éternels rapports de forces...Impossible, même quand munis de savoir, ils allaient vers plus de démocratie par cette marche librement contrainte. Encore impossible, car la jungle en laquelle continuent de vivre les hommes est maintenant devenue ludique. Tout cela explique comment ils n'arrivent toujours pas à réaliser ni grande ni petite chose à l'unanimité et sans victimes. Mais plus personne ne se demande pourquoi.

Alors impossible de repérer en des têtes ce qu'elles font en leurs cités, de voir comment toute gratification s'achète et à quel prix toute sanction se vend. De nos jours, qui n'a point son bouc- émissaire, son...immigré responsable du chômage qui, du reste, ne touche pas plus son voisin que soi-même ? Il est vain de faire la psychanalyse des sujets typiques d'une économie de marché à l'âge d'aller travailler. Chacun doit alors gagner sa vie, par tous les moyens en jeu, avec la mauvaise foi, la logorrhée, la jalousie bien dissimulée ou l'envie ostensiblement affichée. C'est la perdre, cette vie, pour de l'argent travesti en paroles intéressées.

Un tel traitement livre les salariés au même sort réservé à leurs objets de production. Ne pouvant rien dire, les animaux domestiques sont voués à la boucherie; mais les salariés tiennent pourtant un langage et n'ont pas non plus la parole. Quand la sotte de poule s'égosille à signaler à son maître qu'elle a pondu et que le coq se tord le cou pour lui rappeler ce devoir, en remerciement pour cette générosité gratuite, on les enferme par millions, industrialisant leur espace vital. De plus, l'emballage bien présenté fait croire que la qualité de l'oeuf se trouve sous une coquille lavée, que la saveur de la chair est en sa blancheur; le client ne le désire-t-il pas ? Bêtes, objets, êtres humains, toutes marchandises qui rapportent.

Le réflexe conditionnel de consommation étant devenu déterminant, l'on est arrivé à faire admettre que le nombre de bouches à nourrir implique un traitement de vache, que la réalisation d'un bénéfice légitime une surproduction de veaux - revenu que les producteurs d'hier obtenaient pourtant avec moins de bêtes qu'aujourd'hui, aux deux bouts de la chaîne. Et c'est ainsi que l'on exploite la crédule inconscience, sans plus de scrupules qu'envers la volaille. Tout est traité à la même enseigne, en grand, ainsi que forêts qui se rasent tels des poils, laissant collines de cailloux. Puis le sol se reboise d'arbres d'espèce unique, à rendement rapide, sans souci des valeurs environnantes. Pour en arriver là, il faut bien que précède une industrie de tuteurs taillés sur le même gabarit, une standardisation de profession, que des individus soient sélectionnés compatibles, en tous points identiques à des chevaux de course, à des porcs engraissés, à ces poulets déplumés, à ces futaies débranchées. Il faut bien, aussi, que des techniciens se croient branchés...

Quand le produit prend la valeur du travail comme l'ennemi prend nom d'adversaire, ou le capital.....celui de capitaine d'entreprise, n'y a-t-il pas en fait échange par altérité, substitut d'identité ?

Comment un marché peut-il se faire juge de l'authenticité ? Pratiquer ce jeu en grand, par tous les monts, ne détourne-t-il pas la raison ? Si la logique est rendue autre dans la conscience, alors les vessies redeviennent vraiment des lanternes, non ? Le marché et sa démocratie, ensemble, en sont effectivement là ! C'est tromper et se tromper, ruser avec la sortie du raisonnement, jouer de l'information qui entre, comme face à un jeu d'échecs étendu sur une table grande comme le monde. Les passes se portent sur les salariés, cette multitude de pions...

Lorsqu'une démocratie réalise le supermarché des sujets qui consomment au marché des objets, cela permet l'élection licite de sourciers (chercheurs de source) auxquels l'on a pu inculquer une règle si maligne qu'elle peut s'appliquer sans être comprise et mener le monde d'une baguette magique. Quand pions et joueurs sont consubstantiels d'un jeu, il devient de règle de ne pas connaître de règle, pas même dans le haut monde qui risquerait de ne plus tourner si elle était explicite de par la raison, en partenaire du bas monde.

Mais où se dissimule donc cette règle ? Où trouver ce lieu ? N'est-ce pas en la valeur marchande que l'on confère depuis toujours à la production du travail dédoublée en argent ? Et quoique cette production arrive à ne plus supporter cette valeur-là, à la chasser de son intérêt, depuis que le travail utile qui la réalise rapporte de moins en moins à l'unité de production et qu'un travail parasitaire, c'est-à-dire inutile, se doit de rapporter à sa place, et qui tient à une manipulation spéculative de la production de cet argent, c'est-à-dire à sa reproduction à part. Ce profit injustifié peut en effet se tirer directement de l'argent, en dehors d'un profit apparemment justifié tiré du travail ou/et en complément.

La valeur marchande en question pose alors un problème sans solution, apporte un intérêt sans raison, remplace un vrai besoin par une fausse motivation, forme un jeu qui masque sa règle ! Une règle de jeu maligne...

 


La règle se découvre dans l'ordre de ces propositions officiellement inusitées, sinon proscrites, voire ainsi largement ignorées ou inconnues, en tout cas méconnues :

Valeur, prix et, par extension, pouvoir, disposent d'une commune unité abstraite à la fois de mesure et de formation qui se caractérise en ce qu'elle fait un quantum.

La valeur se détermine par un quantité concurrentielle de travail social.

Le prix se détermine par une quantité d'offres de vente conditionnée par une quantité de demandes d'achat.

Le pouvoir se détermine par une quantité majoritaire de suffrages électoraux.

Dans le fond, en réalité, la valeur est restée centrale; le prix et le pouvoir sont devenus marginaux.

Dans la forme, d'apparence, le prix s'est aujourd'hui substitué à la valeur, comme le pouvoir s'est substitué à un suffrage.

Un prix est supposé exprimer la valeur en la remplaçant (Ce qui ne constitue pas une transformation).

De même, un élu est supposé représenter une majorité de voix, alors qu'il dispose du pouvoir d'agir sans leur consultation et, partant, envers celles qui ne l'ont pas élu.

 

 

Une valeur qui reste donc essentielle est recouverte, éclipsée par un prix devenu capital. Le prix traduit, en fin de compte, la valeur sous le signe de l'argent.

Un suffrage de grand nombre est occulté par le pouvoir donné à l'un ou quelques-uns. Le pouvoir qui représente la masse (une quantité, un quantum par excellence) s'exerce finalement sous le signe des mots.

Les quantités abstraites en jeu sont indifférentes à la qualité concrète de l'objet d'évaluation, la qualification de l'idée émise. Le bon ou le meilleur s'identifie à un quantum issu d'un choix.

Ce qui apparaît le bon ou le meilleur peut donc s'avérer le pire ou le mauvais. L'instrument législatif pour éviter cela n'existe pas. La démocratie est le plâtre qui monumentalise la règle maligne en question et ne se mouille donc pas !

La règle de ce jeu est alors la suivante, en trois temps : en terme de valeur, le travail se substitue au produit; en terme de prix, l'argent se substitue au travail; en terme de pouvoir, un langage se substitue au besoin. Maillons d'une chaîne bouclée sur elle-même.

La valeur authentique d'un produit du travail est omise, usurpée par la valeur du travail nommée marchande pour un produit nommé marchandise.

Comme le prix désigne la valeur du produit, comme une demande joue le prix, le tour de passe-passe fait gagner l'offre, passer le travail sous la table et l'argent au-dessus. La règle de jeu est donc bien maligne !


La valeur authentique du travail est faussée comme la valeur authentique de son produit, puisque le travail est mis en conserve dans son produit pour permettre sa consommation ultérieure, en un partage différentiel. Le travailleur n'est alors payé que pour une partie de son travail, sous la forme d'un salaire; l'autre partie forme une plus-value, prise par un patron ou/et un Etat.

Le travail, introduit par la règle maligne en son produit, réalise la marchandise. Ce système n'est, en fait, que l'épave d'un commerce archaïque, d'une convention empirique, échouée au vingtième siècle.

Et la démocratie en vigueur introduit la règle maligne sur la place publique, là où règne un langage scripto-politique. Les choses ne sont pas dites en paroles comme elles le sont dans la réalité. Le Malin semble dicter la conduite de l'homme.

La quantité de travail employée à la réalisation d'un produit défini a apparemment la signification d'une économie, de par la dépense décroissante du travail en terme d'énergie.

La diminution de ce quantum de travail est la conséquence du développement constant de la force de production technique (accroissement et modernisation des moyens de production) par rapport à la force de travail manuel. Les robots prolongent des mains, l'informatique supplée des cerveaux.

Mais cette économie de travail se traduit en terme de valeur marchande et de capital, de production d'argent. La dite valeur marchande désigne un produit en tant que marchandise et qui diffère de sa valeur intrinsèque de produit, par l'état de dégradation du travail que ce produit contient en tant que marchandise. Cette prétendue valeur marchande se trouve en chute relative mais constante et c'est naturel et juste, puisqu'elle est faussaire de la valeur réelle du produit (valeur intrinsèque). Le chômage est notamment l'indice phénoménal de la profondeur atteinte.

La plus-value (qui est le profit spécifique d'un temps de travail donné), ou gain pris sur le quantum de travail nécessaire à la réalisation de cet état de la valeur marchande, se dégrade avec celle-ci. Il sagit donc d'une chute absolue de la valeur marchande intégrant ce bénéfice. La dégradation en question échappe à la vision, puisqu'il s'agit d'un processus d'abstraction de la réalité, en l'occurrence de la mise en arrière-plan de la valeur intrinsèque, en hors-jeu d'un fait concret.

La réalité physique du processus de production d'un travail apparaît en métamorphose : le produit égale la négation du travail, signifie sa disparition. Voilà le fait en question, non manifestement évident, malheureusement : la fin du travail dans l'accomplissement de son produit. Et vient ensuite, après "usage" du "produit", longtemps après sa "consommation" (Tous termes qui ne devraient pas être confondus avec les mots "marchandise", "valeur marchande", "vente", "achat" "prix", "profit", "rendement", tous associés à de l'argent), la négation de la négation, la destruction / digestion de l'objet consommé.

Cet état dégradé de la valeur marchande prend sa source en usine, est une conséquence de la modernisation de l'outil de travail, de la force productive et qui, quand il a pris un cours, se traduit en baisse de prix de production. Là commence seulement la "chute du cours". Car si produire plus avec une moindre quantité de travail caractérise une productivité qui dégrade la valeur marchande à l'unité de production en amont, ceci peut être masqué dans un bon chiffre d'affaire réalisé en aval, une fois que le prix de marché a pris le relais de cette valeur marchande établie à la source.

 

L'on peut se figurer cela par un fruit à noyau. La valeur marchande est représentée par ce noyau, le prix est représenté par le fruit. Le prix enveloppe et cache cette valeur centrale - à l'image du fruit. La dégradation de la valeur marchande passe donc inaperçue, d'autant qu'elle devient toujours plus petite. Il y a entropie, la dégradation est constante, la chute irréversible : On n'a jamais vu une valeur marchande augmenter ! Toute l'entreprise capitaliste se leurre, car l'analyse des économistes ne considère pas cette notion de dégradation de la valeur marchande, la confond avec son expression de prix, autrement dit : n'en voit que le fruit d'un marché, point le travail au centre. Non seulement le travail se dissout, objectivement, mais on ne voit pas comment, à peine pourquoi. (Marx est un peu à l'origine de cette confusion faite entre valeur et prix, et ce n'est donc pas le fait d'un état d'esprit purement conservateur - c'est un état de fait, réel).

Il faut nécessairement savoir faire la distinction entre travail et marché (spéculatif, sous entendu), entre valeur (marchande, bien entendu) et prix. En rapport à la demande, le prix du marché fixé par l'offre regonfle éventuellement la plus-value qui est un dividende de la valeur marchande (le bénéfice d'exploitation du travail); l'autre dividende formant du salaire. C'est ce que l'on appelle "inflation des prix". S'autorise également une compensation relative à la dégradation de la valeur marchande au moyen d'un intérêt exclusivement financier. Forme de profit qui accompagne la plus-value avec l'argent en tant que marchandise particulière.

Ce profit accessoire, spécial au rapport de l'offre à la demande, passant par le prix et quelque autre manipulation strictement monétaire, prend ainsi le sens d'une "regradation" relative du rendement faiblissant de la plus-value qui se dégrade dans l'absolu, en proportion de cet état de la valeur marchande.

Le jeu financier (de bourse, d'actionnariat, etc.) forme un artifice particulier complémentaire au marché spécifique du travail, et ceci précisément par le rôle de substitut du travail que représente l'argent.

Le mode de production et d'échange existant - le capitalisme - et par lequel se dégrade la valeur marchande qui le fonde, génère une surproduction, une concurrence de l'offre, qui oblige à une vente consécutive accrue, puisqu'il y a contradiction entre la dégradation de la plus-value, d'un profit tiré encore proprement du travail, et le profit d'un capital se surgénérant de plus en plus malproprement mais qui "regrade". L'on est contraint de rattraper à flot d'un cours, au moyen d'un prix artificiel, la perte subie au fond avec la valeur marchande.

Ce rendement du capital (de l'argent) en soi, cette auto-reproduction, qui autorise un gain spéculatif, compense ainsi la perte côté rendement du travail. Astuce qui permet de conserver au profit de l'ensemble un taux encore acceptable. Jusqu'à quand ? Jusqu'où peut-on admettre le licenciement de main-d'oeuvre parce qu'elle ne rapporte plus suffisamment par elle-seule, et son remplacement par la génération spontanée de la monnaie (Ou qualifiable de mouvement perpétuel, car ces termes conviennent malheureusement) ? Le capital est à la fois une production et une reproduction - non pas une création (Ce dernier terme ne convenant point à ce sujet).

Le rapport général du travail au capital se caractérise, dès lors, en ce qu'il constitue une complexion entropique qui se traduit par une crise phénoménale de l'économie relativement propre du travail et de celle absolument malpropre du capital.

Toute valeur marchande devient nécessairement une fonction d'échange dégradée du travail, se transmettant à toutes les autres valeurs de la politique existentielle du monde.

Une observation comparable peut être faite concernant le pouvoir ou la démocratie politique, puisque l'on a à faire à une méthode homologue à celle du marché : la dégradation du suffrage universel se manifeste en termes d'abstention électorale (bulletins nuls compris) qui forme un nombre croissant et constant. Le rapport en jeu est identique à celui qui lie la valeur marchande au prix. L'inflation du discours est à mettre en parallèle avec celle des prix. Autant de signes dégradés de cette fin de millénaire, sur plein d'écrans révélateurs de l'état de déchéance de la civilisation marchande.

 

Est-il besoin d'apporter une démonstration exhaustive à ce genre de proposition ? Ce n'est plus indispensable depuis qu'abondent de visu les méfaits d'une économie marchande totalitaire. Le propos ne se veut pas même, ici, celui de la thèse.Les références didactiques sont d'ailleurs aussi étrangement absentes chez les éditorialistes médiatiques, chez tous ces interfarceurs du capitalisme, de même qu'en l'esprit de nos "économistes" (rétribués par le système, et donc à sa solde) qui, eux professionnellement, économisent leur regard. Ils n'ont point de pensée, d'intention propre. Ils savent ce qu'ils doivent dire, ou laisser dire, au point qu'ils n'ont pas besoin de dire ce qu'ils savent. On ne les consulte même pas, passant ainsi pour incompétents par veulerie ou en tout cas pour des causeurs impuissants, aux ordres de financiers tellement puissants....

Et tous demeurent aujourd'hui en la philosophie qui n'use que d'abstraction, qui met l'ordre d'importance des choses dans le désordre. Ce n'est pas encore le chaos mais la banale nécessité de servir quelque employeur privatisé, sociétés anonymes regroupées, multinationale francophonisée, Etat européanisé, certains élus et partis politiques en notre démocratie gouvernante. Nécessité de servir, simplement pour ne point déplaire à sa conscience sauvegardée...sur ordinateur et compte bancaire. Tout normalement.

La nouveauté concrète est une revendication qui prend en mains des choses, des objets, des sujets, des faits, et des êtres, non point des marchandises.

 

Aujourd'hui, la mort du travail est une métaphore à prendre au mot, en ces cimetières d'usines démantelées, en ces crématoires à surplus, sur des terres en jachère, au creux de mains inactivées.

"C" comme Concept, "T" comme Travail, "P" comme Produit, "A" comme Argent, se sont posés sur la table vide, et inoccupée à l'entour depuis que les marchands sont partis réaliser le jeu qui consiste à faire "exécuter" froidement le travail par d'autres pour gagner de l'argent, c'est-à-dire à le tuer afin qu'il ressuscite d'un capital qui, comme par génération spontanée, se reproduit aussi bien mort que vivant.

Ecoutons les objets en cause et qui disent, eux mieux que personne, comment ils veulent vivre :

C : - Dirigisme et suivisme marginalisent. Nous sommes seuls.
T : - Invalides de bras, de mains.
P : - Je sors d'une machine.
A : - Je viens d'une banque.
P : - Produits de tous les hommes, unissons-nous !
C : - Stoppons le marché.
T : - Ne suivons plus la démocratie qui fait marcher.
A : - Bourrons les urnes.
P : - Réinventons le mode des échanges.
T : - Créons une table à valeur pour une économie de raison.
C : - L'hégémonie du capital est mondiale, sans partage ni même plus division du travail. Alors supposons un millier d'Humanites, gens insolites isolés quelque part (Nom que se donneront ces naufragés pour se différencier des gens prétendument civilisés et qu'ils appelleront des Chrématos...) Il leur reste à peu près tout ce qu'il faut pour entreprendre une nouvelle vie, par ce que les Chrématos produisirent en moins d'un siècle, avec cette hâte intéressée les caractérisant.
T: - Ces Humanites se mettront à travailler avec probité, respect pour des générations de salariés qui peinèrent pour ce développement de biens déménagés. Ils n'allaient quand même pas recommencer, continuer, la même existence que celle qui les aura amenés là !...
P : - D'autant qu'ils seront pourvus de tout, même d'ordinateurs.
T : - Ils ne voudront simplement pas reconstituer pour eux, entre eux, la société marchande des Chrématos. Ils penseront pouvoir surclasser l'ère de toutes ces civilisations des échanges malins entre malins, faire disparaître la chrématistique, ce vice mental des hommes, cause des échecs de toute révolution sur cette Terre. Les Humanites tenteront de retrouver le paradis en l'inventant, en jardinant la jungle dans laquelle durent vivre les êtres humains plus durement encore que plantes et animaux. Ils ouvriront la porte sur l'ère d'une économie de raison.
A : - Mais ces exclus ne disposeront, parmi tous ces biens, et par bonheur, de pas une seule pièce d'argent. Ceci les amènera à chercher une autre façon d'échanger une production et de rémunérer le travail.
C : - Ils chercheront surtout comment n'avoir nul besoin d'une production de capital, de cet argent cependant indispensable. Ils ne voudront plus recommencer la faute originelle...Les Humanites s'emploieront donc à constituer de l'argent d'office, autant qu'il en faudra, pour le mettre à sa place de plein droit, sur une table à la fois commune et personnelle, autour de laquelle chacun pourra s'asseoir et décider ensemble de son usage.
T : - Ils se remettront au travail par envie de créer, directement. Non pas, comme les Chrématos qui font tout par désir d'argent, avides de s'enrichir en dehors en s'appauvrissant en dedans.
P : - Créer avec plaisir, autant les choses utilitaires pour se nourrir, s'habiller, se loger, que celles pour se cultiver, fêter, s'exprimer, et bien vivre.
C : - Ils n'iront pas produire en même temps de l'argent par convention chrématistique, en se pressant de vivre, comme continuent de le faire les Chrématos attardés à un âge d'homme prélogique trop court pour bien vivre. Non, les Humanites trouveront une autre raison de vivre.
A : - L'état d'esprit du bien vivre, hors conditions du Chrématos obligé de gagner sa vie pour se procurer un niveau de vie, ne peut pas reposer sur la richesse en argent. L'acquis de la science donnera à l'Humanite le pouvoir de vivre la durée d'âge convenant à des échanges éthiques, non plus chrématistiques.
T : - Les Humanites sauront prendre le temps de vivre dignement en êtres humains, ne cherchant pas à rattraper la mort répandue avec tant de hâte sur la Terre par les Chrématos.
C : - Débarrassés des soucis d'un rendement, de la compétitivité entre entreprises cupides, ils pourront enfin faire honneur à l'oeuvre de penser, appliquer celle-ci ouvertement pour le bien et directement pour le beau. Ladite loi de l'offre et de la demande ne présentera plus de spectacles pour de l'argent. Tant pis pour tous les menteurs de profession; ils devront s'afficher comédiens et non plus commerçants. Il restera bien assez de divertissements, de travestissements, de parodies, de mises en scène épiques, à recréer. La civilisation de marché n'aura pas été télévisée, classée sur disques laser, gardée du son et de l'image pour seulement être corrigée. Cet enregistrement du virtuel devra être effacé dans la vie réelle, ne plus se reproduire dans la vie-même.
P : - Les produits obtenus et les services rendus dans la société des Humanites devront correspondre à un usage ou a un besoin réel. Toute acquisition inutile devra pouvoir se justifier.
A : - Leur argent n'affichera pas de valeur marchande ubuesque, de cours fluctuant, de prix ludique. Il n'est pas un fluide, ni un objet de jeu.

Il prendra une valeur solide car devenue neutre, dégagée de la tentation mercantile, indépendante de celle du travail et des produits.
T : - Le travail s'identifiera valeur abstraite de par sa fonction spécifique : produire des oeuvres utiles ou d'art, de valeur concrète. Il ne pourra pas produire par une opération de profit, en plus, cet argent maudit cher aux Chrématos. La vraie valeur d'un travail abstrait ne peut que finir dans un ouvrage, une oeuvre, en laissant une valeur concrète, par un service ou en un objet.
C : - Les Humanites retourneront également leurs possessions acquises durant l'ère des Chrématos, de l'envers formant marchandises de marque corrompue à leur endroit en qualité de créations, rétablies à leur valeur authentique d'inventions.
P : - Producteurs et consommateurs devront étroitement s'associer. Tous les objets de réalisation artificielle seront considérés au même titre que les personnes, les animaux, les oeuvres naturelles. Ce qui ne sera possible que grâce à leur table à valeur permettant la mise en évidence, l'authentification des vraies valeurs.
A : - Pour éviter les conflits d'intérêt, les Humanites signeront d'abord entre eux un contrat civique, qui figurera en marge de leur table à valeur. Seule la raison en fera le fondement et l'interpellation nominale de citoyen sera un honneur, un signe chargé de sens démocratique - non plus renié dans le terme de "monsieur".
T : - Au moyen de leur table à valeur, le travail pourra bénéficier d'une juste rétribution et son produit être échangé à un prix stable, tout en restant chacun indépendant de l'argent. Travail, produit, argent, définis chacun selon le principe d'identité de la logique, ne pourront plus se substituer entre eux. Ces trois composants essentiels de l'économie se rendront libres. Une fois la valeur du produit affranchie de la valeur du travail, cela permettra la vente et l'achat contre une valeur en argent tout aussi bien affranchie.
C : - L'oeuvre d'un travail devenue produit d'usage, celui-ci affirmera sa valeur propre, représentative de la négation du travail. La répartition d'une production circulera à des prix équivalant à la valeur intrinsèque et qualitative des produits. La production matérielle concrète libérée d'une sous production immatérielle abstraite, une productivité ne sera plus synonyme de rendement parasite, d'ordre quantitatif financier.
A : - Un capital monétaire potentiel sera consigné dès le berceau à chaque citoyen, lui permettant d'entrer sans soucis dans la vie. Dans ce but, un trésor public d'argent sera institué en qualité d'unique moyen d'échange abstrait, c'est-à-dire caduc à l'issu de tout emploi ayant satisfait un objectif concret. Cet argent servira à la mise en chantier d'oeuvres diverses, sans obligation de remboursement, ainsi qu'aux différents échanges de besoins, dans cet ordre de facilité et d'équité. Il ne sera plus indispensable d'attendre la fin de sa vie pour pouvoir jouir d'un capital personnalisé. Il sera d'autant plus interdit de dilapider cet argent au départ de la vie, car cette procédure impliquera un rendu de compte d'utilité à la société.
T : - Véritable bourse du citoyen responsabilisé, ouverte seulement à la mesure du travail et des besoins personnels, sous haute et égale responsabilité des autres citoyens. La constitution de cette monnaie fera l'objet de fichiers personnalisés, réservés, et protégés, et de cartes magnétiques codées. Ce capital commun et privé sera traité sur ordinateurs reliés entre eux, en vue de justification après dépense, rendu de service, acquis de biens, paiement de travail.
C : - L'économie politique aussi se voudra affranchie du marché d'intérêts horizontaux à concurrence compétitive et des classes sociales verticalement oppressives. Ceci grâce à la démocratie gouvernée, d'ordre cybernétique, plus juste que partant de rapports de forces au sein d'une démocratie gouvernante. Dissidents de ces politiques ayant institutionnalisé les lois de la jungle en lois du marché, les Humanites se réclameront de cette démocratie authentique, en vertu de laquelle les bonnes issues d'un procès public pourront se fermer aux mauvaises, du fait des idées toujours renouvelées apportées par mandat de raison.
A : - De cette façon, aucune forme de malignité vénale ne trouvera une utilité, aucun genre de mercantilisme ne pourra opérer. Le marchandage chrématistique finira là-même où naît envie de pouvoir, égoïsme par ambition, dans la tête même des hommes, dès lors que la motivation pour le travail découvrira le digne intérêt et le désir de richesse le vrai bien.
C : - En quittant le marché chrématistique, cause de déchéance de la civilisation à production d'argent, les Humanites s'inventeront leur table à valeur pour pouvoir se conformer à ce qu'il faut et éliminer ce qu'il ne faut pas ou plus. Pendant que les Humanites se prévaudront ainsi de moyens simplifiés pour se débarrasser moralement de la soif de richesse, les Chrématos continueront d'en faire un but toujours plus indigne.
T : - Comme sur la table à valeur, le travail personnel sera évalué en soi, en qualité d'acte concret, et non pas arbitrairement par son caractère différencié ou dit social, c'est sa valeur nominative individuelle qui sera signifiée abstraite.
P : - Et comme sur cette table le produit d'un travail s'évaluera oeuvre concrète, même s'il est de caractère social, impersonnel; seule sa valeur nominative spécifique sera signifiée concrète.
A : - Et puisque l'argent finira de remplir un rôle déterminant en fonction conditionnelle, et deviendra exclusivement un moyen d'échange, caractérisé d'un simple numéro, il facilitera l'achat au détail. La vente en gros se fera avantageusement par un troc quantitatif direct entre objets ou services, sans intervention monétaire. L'argent ne sera plus cet instrument de la commensurabilité valorisante d'une marchandise ou/et d'un labeur intégré.
C : - Rendue caduque, la valeur marchande, génératrice d'un profit, sera abolie et en même temps ses forces motrices disparaîtront : les rapports quantiques, principalement celui de l'offre à la demande, comme celui issu du scrutin électoral qui subsistera, mais ni majorité ni unanimité ne pourront valider leur suffrage en ce scrutin seul. L'économie retrouvera son sens propre originel qui ne pourvoira plus une masse d'emplois parasitaires, bureaucratiques, ou socialement inutiles.
P : - Les besoins courants des transports, de l'administration, de l'éducation, de la santé, de l'information, pourront naturellement se rendre gratuits. Les dépenses pour ces oeuvres publiques n'auront nulle raison d'être récupérées par ailleurs, quand la société aura l'honorable tâche de gérer la répartition d'un capital monétaire virtuel et non plus produit mais instauré de plein droit, de pouvoir du citoyen. Taxes et impôts seront devenus inutiles, extirpés de la vie, de même que tant d'autres soucis et maux trop longtemps accumulés avec du capital généré par du travail. Seule la séparation de valeur entre travail et produit aura pu entraîner la scission de leur fonction de marchandise, le divorce entre travail et capital.
T : - Parce que le travail est par nature indépendant de son produit en fin d'activité, aprés le processus de la réalisation de l'un par l'autre. Alors seulement, ce fait une fois admis, tout travail sera distingué et pourra être rémunéré intégralement, sans laisser de profit, selon une valeur à définition abstraite du premier degré.
P : - Et le produit, ainsi détaché du travail, pourra être vendu à sa propre valeur à définition concrète.
A : - De même que la monnaie, considérée indépendante aussi, neutre par rapport aux deux autres types de valeur, recevra une valeur spécifique, à définition abstraite du deuxième degré.
C : - Les Humanites se constitueront ainsi deux catégories d'échange, abstraite et concrète, en trois types de valeur, différenciés. Elles seront fondées sur le principe qu'un produit de création qui s'affirme est du travail transformé et nié à la manière d'un être nouveau provenant d'une métamorphose. Selon ce principe l'argent ne fait pas naturellement objet de production, le travail ne caractérise alors qu'une action et l'argent qu'une fonction, et leur identité respective se transmet logiquement mais non par réciproque substitution - comme lors d'un marché courant. La table à valeur permettra de restituer cette authenticité des valeurs, de rétablir l'identité de toute chose.
P : - Pour ce faire, que contiendra la table à valeur ?
C : Elle fera le barème caractérisant tous les critères indispensables à l'évaluation objective, à l'expression d'équité, à l'unification des mille raisons, à la mise en oeuvre de l'unique raison. Le travail d'une part, le produit d'autre part, et tout système de signalisation (dissemblables signes d'échange et de communication, dont l'argent et aussi les mots), également à part, devront être authentifiés selon le principe d'identité de la logique.
A : - Ni dans le langage qui est le moyen commun de la communication entre êtres humains, ni par l'argent qui est le moyen commun de l'échange avec les choses, les mots n'aliéneront plus ce qu'ils nomment, les sommes n'altéreront plus ce qu'elles chiffrent.
T : - Le critère du quantum sera égalisé à côté d'autres critères : ceux d'utilité, de capacité, d'éthique, d'esthétique, etc., figureront sur la table; tous les critères possibles, prédicables. Ils formeront un code d'évaluation destiné à l'expertise indiscutable de toute chose, de la force de travail à ses oeuvres et pour toutes les créations naturelles, même. L'on passera ainsi des jugements subjectifs, porteurs d'erreurs et de fautes humaines, à ce principe du jugement objectif, dans le but de contenir et dans l'espoir d'éliminer les préjugés.
C : - Soumis à ces critères, le travail s'évaluera en soi, selon la force, l'aptitude, le mérite, etc., en sus de la qualification. A travail égal, effort différent, et compétence démontrée, l'ouvrage de la personne physiquement faible ou de métier moins qualifié pourra être bonifié, par rapport aux possibilités d'autrui. La table fera éviter toute confusion entre valeur du travail et valeur du produit. Les choses seront évaluées en fonction de critères qui leur conviennent spécifiquement, à l'exclusion de ceux qui ne conviennent qu'à d'autres. Dans tous les cas de figure, le principe d'identité sera fondé d'application, et non plus le principe du substitut d'identité.
P : - Et comment évaluera-t-on, plus précisément, au moyen de la table à valeur ?
C : - Il faudra d'abord sélectionner les seuls critères convenant à la chose à évaluer, mais sans en omettre aucun en cette liste. Il est évident que si la table contient tous les critères imaginables, d'une chose à l'autre, ils peuvent ne pas être de même nombre, d'égale proportion, ou de genre semblable. Plus l'objet d'évaluation sera parfait et plus il y aura de critères prédicables; la richesse réelle dépendant de la variété des faces à mettre en valeur.
A : - Chaque critère étant nanti d'un même nombre fixe de points, prévu avec ou sans coefficient, selon son importance.
T : - L'on attribuera à la chose le nombre de points requis d'après chaque critère adéquat, selon ceux seuls sélectionnés convenant.
C : - C'est ainsi seulement que la raison de l'homme pourra se rendre objective, intègre, parce qu'elle sera elle-même soumise au crible de la table à valeur qui établira un jugement extérieur, impartial, neutre, et nécessairement objectif. Tout se posera sur cette table et elle fera aussi figure de témoin matériel en cas d'erreur. La table sera le moyen pour la raison de se rendre majeure, de s'ériger au-dessus de tous les autres systèmes et objets d'ordination, d'offrir à toute raison mineure la place assise qu'elle mérite, la conduite qui l'honore, indépendamment de la conscience de personne.
A : - Afin que l'individu humain ne regrette pas l'absence d'un meilleur jugement que le sien ou ne soit plus tenté de se substituer à la justice d'un dieu, prétextant de son inexistence. La foi, l'opinion partiale, l'intime conviction, l'autorité, la force d'un groupe ou d'un suffrage, le désir d'argent, le pouvoir par la volonté ou la richesse vénale et autre, se révéleront tous pareillement inconvenants.
P : - Oui, l'instrument créé par l'homme deviendra meilleur arbitre que son créateur. Ainsi donc, aucun partenaire d'échange ou de communication ne pourra plus être dominant, ou influent, ni corrupteur. La table à valeur permettra le rendu d'un jugement digital, la prise en mains propres du règlement de tous les comptes, la vérification de toutes les opérations qui ne relèvent pas d'un nombre, notamment des mandats de raison exposés.
T : - L'ère de la raison ouvrira ce paradigme qualifiant en fermant le paradigme quantifiant de la fin du deuxième millénaire. Le besoin de vérité rendra la table à valeur universelle et sa mise en oeuvre par l'informatique deviendra facile, lui permettant d'entrer en chaque demeure, en plein de poches, à travers tout ordinateur, à l'intérieur de multiples pays.
C : - Tout se soumettra aux critères de la table, y compris les idées, les pensées, chaque fois qu'elles s'avèreront neuves, en qualité d'invention; et naîtra la vraie démocratie passant au crible toute conception politique; et seul moyen de savoir si celle-ci apparaît à priori juste ou bien fausse (L'expérience ou la pratique existentielle est une perte de temps, une épreuve incertaine, peu probante, historiquement le plus souvent décevante, mais déterminante : alors autant la préparer avec raison). Une politique à suffrage minoritaire pourra espérer prendre la mesure de sa raison en se faisant agréer et, inversement, une politique à suffrage majoritaire pourra être invalidée. Toute prétention de supériorité, de pouvoir ne se voulant reposer que sur la force d'une somme ou d'un quelconque nombre, et qu'importe le genre, se verra rabaissée. Toute quantité faiseuse de crédibilité devra se replier en l'unité, à un point final.
T : - Le droit politique (plus du tout formel comme l'auront été "les droits de l'homme") pourra alors être confié au citoyen en personne responsable et libre par devoir associé. La table à valeur sera, à cet effet, d'usage partout, pour tout, et par tous, laquelle engagera à y déposer sa pensée, pour en vérifier la raison. Le citoyen aura la responsabilité de proposer, par mandat de raison, ce qui contribuera à l'amélioration de l'organisation de la société, en tout domaine public et privé - dès qu'il n'y aura plus d'anciennes valeurs récurrentes.
C : - Pas de chaises vides à l'entour de la table à valeur installée sur ordinateur, nul privilège (délégué, représentant, élu, mandaté de corps) pour s'y asseoir : c'est l'esprit, la pensée gouvernée par la raison, qui en seront les mandants. Et l'on n'aura plus besoin de "raison d'Etat" au-dessus de l'esprit, ni d'opinion du nombre au-dessus du genre. La raison est comme du sang, elle circule rouge pour tous et sa conduite dépend de chacun.
P : - Les biens mobiliers matériels et immobiliers privés pourront être cédés nominativement du vivant de propriétaire, sans post-obligation familiale, sinon pour les choses justifiant une raison sentimentale indivisible ou acquises en communauté.
A : - La monnaie d'échange sera entièrement informatisée, en termes de monétique, en comptes chiffrés nécessairement vérifiables en lecture par tout le monde mais protégés, inaccessibles hors opération de consommation ou de paiement.
C : - De mémoire d'Humanites, l'informatique aura été à la disposition des hommes avant qu'ils aient été dignes de l'employer, affectée à la gestion lucrative d'intérêts contingents, au traitement bureaucratique, à la circulation monétaire, mise au service de la débauche du travail; employée à la médiatisation ludique et distractive, à combler l'ennui, la misère politique ou sexuelle, à meubler la décadence marchande de la fin d'ère des Chrématos.
A : - Maintenant, de l'argent, autant qu'il en faut, autant que besoin est, pourra être confié à l'initiative individuelle et au groupe, pour la création, pour toute oeuvre utile. Le nécessaire, le besoin, la qualité de l'objectif matériel ou intellectuel voulu déterminera sa réalisation. L'argent limité et réservé à l'opération d'échange fera sa noble et seule condition d'existence. L'échange accompli, en vente contre achat, par cette monnaie de gage, effacera la somme dépensée de la provision du capital appartenant à l'intéressé. Aucun compte "courant" ne grossira du fait d'échange. Il ne pourra qu'être débité dans ce cas, et seulement crédité comme fruit d'un travail. On attribuera une haute responsabilité au fait de consommation d'un argent concédé de droit civique et non plus "gagné" d'un labeur exploité ou détourné d'un capital accumulé, quand la production de l'argent aura cessé d'exister.
C : - La vraie démocratie prendra alors vigueur grâce à l'étude de mandat de raison apporté par le citoyen. Ces mandats seront traités sur table à valeur en vue d'en sélectionner les sujets nouveaux, innovants, intéressants, proposés à la communauté. Tous les citoyens auront le devoir de s'associer en comités de raison, à partir du quartier, du village, de la cité, comme de la ville, puis de la nation, et de la Terre même, avec la volonté de trouver et d'apporter, à ces différents niveaux, solution à leurs problèmes.
T : - Alors que les Chrématos continueront d'asseoir le travail autour de la table étroite du capital, à discuter cyniquement de la méthode à employer pour une ultime division de l'un par suite de la production toujours plus difficile et plus absurde de l'autre, les Humanites auront su rester à distance de cette dernière tentation de malins.

 

Peuple Chrématos, une fois détaché du travail, en bordure d'une grève du capital, au devant d'une mer généreuse, tu trouveras à lire des valeurs neuves, gravées d'un antique silex sur une table en pierre. Venu marcher sur une plage de sable devenu cet étalon de référence nommé "sablon", tu apprendras à connaître la sagesse des Humanites, le reflux océanique de la liquidité bancaire. Et tu en puiseras à pleines mains en signe d'abondance, d'équivalent universel de tout échange. Mais il te faudra surtout méditer ces adages austères marquant la fin de règne du Veau d'or :

" Une circulation automobile reposa sur un moteur à explosion d'un fluide composé d'air et d'essence. L'énergie principale, le carburant, eut un coût d'usage; l'énergie secondaire, le comburant, fut gratuite - l'atmosphère étant une denrée invisible et profuse. D'un médiocre rendement, ce mécanisme passa néanmoins pour économique.

Le capitalisme fut une sorte de véhicule homologué en ce sens, quand les passagers durent produire l'énergie pour circuler, le carburant en terme de profit et le comburant en terme de salaire. Ils eurent fort à peiner pour réaliser cet argent. Afin de pouvoir rouler les passagers à l'aller, ces deux éléments restèrent mélangés. On les décomposa seulement au retour, pour payer l'effort. Le conducteur retint à lui seul un profit.

Par conséquent, cette conduite de transport en commun dut se mouvoir de fonctions inégales, injustes, nuisibles, superflues, aberrantes. Le capital monétaire parut d'essence riche ; la force de travail eut l'air pauvre. Ce marché n'eut donc absolument rien d'économique.

La valeur créée n'en avait aucune. "

 

" Toute oeuvre se réalisa en un temps de travail. Oeuvre et travail se confondirent par nature et se divisèrent logiquement, aussitôt accomplis. Oeuvre et travail ne firent ainsi d'abord qu'un. Puis l'oeuvre se sépara, devint produit : travail et produit firent alors deux. Le travail et l'oeuvre se consommèrent en même temps; le produit en un autre temps, après.

Par conséquent, ce ne fut pas naturel, point normal ni moral, que le marché des produits dût rapporter un bénéfice du travail nié dans le produit, réglé par un salaire. La marchandise en laquelle le travail se transporta dut se déclarer, de ce fait, comme nulle et non avenue, même si parvenue.

Le produit ignorait sa valeur. "

 

" Le travail rapporta de moins en moins, l'argent rapporta de plus en plus. Il fallut investir là où les salaires furent les plus bas pour produire des biens, là où l'intérêt fut le plus haut pour produire de l'argent. Le rendement indirect du capital se dégrada par rapport à son rendement direct qui regrada. Travail et capital s'éloignèrent l'un de l'autre.

Par conséquent, faire de l'argent avec du beurre ou du beurre avec de l'argent fut chose qui - quoique difficile à voir et à croire alors - s'acheva et, en tous cas pendant ce temps, resta absurde.

Le travail perdait sa valeur. "

 

" Le temps se divisa en heures, le travail en quantités, le pouvoir en suffrages. Et l'heure, la quantité, le suffrage - offres et demandes incluses- , purent s'attribuer à l'égal comme à l'inégal. Ils permirent le partage en sens contraire, en deux poids deux mesures. Aucun instrument - montre, valeur, monnaie, prix, urne, facture, parlement, etc. - étalonné par ces autres, n'alla indiquer juste.

Par conséquent, le temps perdu, le travail ingratifié, la servitude quotidienne, la coulée riveraine, se sous-évaluèrent massivement.

Le vécu et la beauté se cherchaient leur valeur. "

 

 

 

Toute valeur est sujet de jugement humain. Le choix du type de table est objet facultatif. La table à la règle maligne sur laquelle se négocie la force de travail, toute marchandise, au jeu de la chrématistique - ou l'autre : la table à valeur...

Si l'homme se montrait incompétent à faire cet échange... de table nécessaire; si pour vivre bien, son existence devait continuer par se consumer à un développement d'enfer; si pour avoir, il fallait éternellement prendre; si le travail ne pouvait que se rendre au capital produit; si pour construire de l'artificiel, il fallait détruire encore plus le naturel : il est certain que le jour viendrait où même le vent solaire ne prendrait point la peine de souffler mot de lui.

 

Marcel Wittmann - 1989-1992-1998

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