L'homme a les pieds sur terre
La tête au ciel
Plus ou moins éloignée
Selon que les réflexes de ses pieds
Sont conditionnés par sa tête
Et les réflexions de sa tête
Par d'autres que la sienne

La tête de l'homme reçoit ordre
De faire marcher ses pieds
Soit d'aller où le peut sa tête
C'est la liberté
Soit d'aller où le veulent d'autres
Elues par des pieds
Qui ne leur appartiennent point
L'homme déléguant des têtes
Qui représentent la sienne irresponsable
A ses pieds libérés
C'est la démocratie

L'école commence la mise au pas
L'armée finit de raser tête
Une église bénit le choix
De baisser tête ou lever pied
Toute tête qui rassemble
Fera marcher des pieds

Tous les salariés sont libres
De se battre dans l'arène é1ectorale
Les pieds sur terre depuis Spartacus
La tête au ciel depuis l'Evangile
A la récupération de leurs têtes
Mais leurs pieds sont fatigués
De se mettre au pas
De se ranger toujours
Pour se marcher dessus
Et s'enfoncer pieux
Qui clôturent leur vie

L'on se lève du mauvais pied
Afin de gagner sa vie
Et de perdre sa tête
A chercher un emploi
En prenant des ampoules aux pieds
Qui n'éclairent point

L'on trouvera à vendre l'ordinateur
Se substituant à sa tête
Pour acheter chaussures à ses pieds
Sa tête marchandant par obligation
Dans un monde libre
Ses pieds consommant librement
Asservis à une production
Tête et pieds autant victimes
Du retournement de leurs buts

Ici pas moyen de remettre l'homme debout
La tête sur les pieds
Quand l'on se réclame de Marx
Et que l'on fait son marché
Ou même son beurre
Avec la lutte des classes
Toujours des pieds manifesteront
Comme s'ils pouvaient penser
Sur une place pleine d'empreintes
A la recherche de leurs têtes perdues
En distribuant coups de pied
A la dictature des têtes
A la démocratie des pieds

A chacun sa tête sur ses pieds
Pour refaire la route
Réinventer le monde
Des pieds à la tête
De la tête aux pieds

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