Le noyau de cerise

La Terre porte une auréole
carénée d'austère informatique
par des dieux de la logique.
Un mirage fatal survole
l'hémisphère nord, l'hémisphère gauche.
La démocratie représentative
déresponsabilise le citoyen.
Et le fer se bat à froid
Le crassier ne s'embrase plus
L'acier n'est point trempé.
La décadence de l'ordre marchand
n'épargne rien pas même
l'idée révolutionnaire.

Tu veux que je te dise
Il est passé le temps des cerises.


Comme régresse la force de travail
Comme progresse la force de production
le rapport travail sur capital
subit ce que produit
le rapport capital sur travail.
Le salariat implique profit
Le profit implique concurrence
La concurrence implique faillite
La faillite implique chômage.
La robotisation des outils
réduit de trois doigts les mains
supprime quatre milliards de neurones.

Sans attendre que je le dise
Il est parti le temps des cerises.


Le prix du fruit
n'affiche plus sa valeur.
Tout travail perd sa mesure
Tout moteur baisse son régime
quand le profit reste le carburant
le salariat le comburant
et que l'on continue de rouler
jusqu'au bout de la nuit
de tous les phares éblouis
sur la route du code vénal.

Pas la peine que je le dise
Sommes loin du temps des cerises.

L'arbre blanchit par les racines
La forêt noircit par les cimes
Les blés ne sont plus moissonnés
Des abeilles volent désorientées
Le soleil ne se lève point
La lumière n'apparaît pas
Chaque direction politique
ne projette qu'un horizon
qu'éclairent des lucioles.

Toutes conditions qui prédisent
Un autre temps des cerises.


Salarié, faut que je te dise
Replante un noyau de cerise.


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A la mémoire de mes compagnons de travail des cités du fer lorrain, entre les années 1940 et 1960.